Posted: décembre 19th, 2012 | Author: Epine noire | Filed under: Alentours, Environnement et écologie, Poitiers, Transports, Urbanisme/aménagements du territoire | Commentaires fermés sur À toute vitesse ! Sur le projet LGV Poitiers-Limoges et son monde
Attention LGV!
Septembre 2012, les habitants du Poitou-Charentes et du Limousin apprennent que l’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique du tracé de la LGV (ligne à grande vitesse) Poitiers-Limoges est repoussée au printemps 2013. Une annonce qui vient après celle du Ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, en juillet dernier, à propos des conclusions de la Cour des comptes qui envisagent la révision, voire l’abandon de grands chantiers tels que sont les LGV car trop onéreux pour l’État [1].
Cette décision paraît être une victoire pour les différents collectifs opposés au tracé prévu alors que pour les fervents défenseurs, au contraire, c’est plutôt un gain de temps suffisant pour encore convaincre du monde de la nécessité d’un tel projet.
En effet, c’est un projet issu d’une volonté politique datant d’une dizaine d’années. Bien évidemment une politique d’aménagement du territoire telle que la traversée d’un train à grande vitesse n’est pas détachée d’enjeux socio-économiques et environnementaux liés au pouvoir et à son idéologie, en l’occurrence le capitalisme. Pouvoir qui depuis quelques années s’obstine à un maillage toujours plus serré du territoire et de ses populations et dont la conception de l’espace urbain est actuellement marquée par le processus de la métropolisation. C’est à dire le fait d’agencer une ville et ses alentours de manière à polariser l’attractivité des structures et des ressources humaines, économiques, techniques, sociales et culturelles. Ce qui entraîne un aplanissement des territoires en réduisant encore plus la dichotomie – déjà largement entamée – entre ville et campagne, par une réorganisation des flux avec de nouveaux moyens de transports collectifs (exemple des BHNS, Bus à Haut Niveau de Service, dans l’agglomération poitevine).
Ainsi, la mobilité, la vitesse et l’immédiateté sont les nouvelles donnes privilégiées de notre époque : un « ordre des choses » qui en plus de maintenir des inégalités de classe, de causer des désastres écologiques, permet une accélération de la circulation (toujours plus rapide) du Capital, et des flux de marchandises, entraînant des altérations de notre rapport à l’espace, au temps et une perpétuation de l’aliénation [2].
Une volonté politique au niveau européen
En 2003, Jean-Pierre Raffarin alors premier ministre parle déjà de ce projet. À vrai dire, c’est le parlementaire Bernard Joly, membre du groupe RDSE (rassemblement démocratique et social européen) et de la Commission des affaires économiques du Sénat, le rédacteur du rapport intitulé «Interconnexions des LGV européennes-Rapport à Monsieur le premier Ministre sur les projets des lignes à grande vitesse en Europe, les enjeux d’interopérabilité et les conséquences de l’ouverture à la concurrence-» [3].
Les mauvaises langues disent que c’est pour faire plaisir à la conseillère générale de Sarran qui n’est autre que Bernadette Chirac, épouse du président de l’époque pour désenclaver son Château de Bity et l’amener directement au Palais de l’Élysée.
Vu le titre de ce rapport l’on peut constater que c’est effectivement un projet d’envergure éminemment transnational, européen que les technocrates veulent imposer. Il s’agit de mettre en place un véritable réseau d’interconnexions et de flux entre les métropoles intermodales du continent. Le but est le parachèvement de l’uniformisation du réseau des transports européens à grande vitesse en établissant un corridor ferroviaire paneuropéen qui relierait la capitale du Portugal, Lisbonne à celle d’Ukraine, Kiev.
C’est en 2009 que la machine se met véritablement en branle, lorsque le projet est déclaré dans le Grenelle de l’environnement [4] (rencontres sous l’égide de Sarkozy entre l’État, collectivités locales, industriels et des bureaucraties d’organisations écologistes) inscrit au SNIT (Schéma National d’infrastructures des Transports), nouvel outil stratégique de planification. Précisons qu’un an auparavant, il y a eu des pressions venant d’élus pour que le projet soit déclaré au Grenelle de l’environnement comme celles de Bernadette Chirac et de Marie-Françoise Pérol-Dumont députée socialiste et présidente du conseil général de Haute-Vienne [5].
En réaction à cette décision, sont nés les collectifs contre la LGV dans la Vienne et en Haute-Vienne. D’autant plus que nombre d’habitants de la région Poitou-Charentes avaient assisté de manière impuissante à la déclaration d’utilité publique de la LGV entre Tours et Bordeaux. Le tracé Tours-Bordeaux qui longe des villages et les villes à proximité de Poitiers fait partie du gigantesque projet de construction de la LGV SEA (Sud-Europe-Atlantique). Nous n’omettons pas le fait que ce projet est détenu par le groupe LISEA composé de Vinci – bétonneur invétéré – de la Caisse des dépôts et du groupe AXA. Tout ça pour la modique somme de 1,7 milliards d’euros [6].
Propagande et chantage
À partir de là une propagande tambour battant s’enclencha, étant donné que le projet a de nombreux appuis tant au niveau local que national. Et pour cause, ce sont surtout des élus qui ont voté pour le projet et pas des moindres car à l’époque, François Hollande qui n’était pas encore Président de la République mais député-maire de Tulle (Corrèze) est pour le projet. Ainsi que le député-maire de Poitiers Alain Claeys, le maire de Limoges Alain Rodet ou encore le Président de la Région Limousin, Jean-Paul Denanot (joueur d’accordéon à Tulle un soir de victoire électorale) [7].
En plus de l’appui d’élus notables dans les deux régions, Jean Marc Pouzols, chef de mission pour la LGV Poitiers-Limoges à RFF (Réseau ferré de France) a commandé une enquête à l’institut de sondage Ifop (Institut français d’opinion publique) annonçant que 80% des personnes interrogées sont pour le projet même si 71% le jugeaient inutile !
Après, ce fut le chantage économique à l’emploi (et donc au chômage !) comme ce fut le cas pour le tracé entre Tours et Bordeaux dont le consortium consacré à la construction s’est établi à Poitiers pour le bonheur d’Alain Claeys. Ce chantage est réutilisé à chaque fois que des politiques de grands chantiers sont mis en place à l’image de l’aéroport à Notre-Dame des Landes à coté de Nantes, ou du TAV entre Lyon et Turin). Il est accompagné de discours ronflants sur la modernisation de la logistique, des infrastructures et de la rénovation technologique, du développement économique et du progrès humain mais surtout de la nécessité de désenclaver des régions présentées comme perdues sur une carte de France telles que le Limousin et le Poitou-Charentes.
En outre, il n’en fallait pas tant à certains médias pour relayer l’idée que la question de la LGV est déjà pliée, qu’il n’y aura pas de marche arrière, l’a déclaré Alain Rodet à une presse publicitaire pictavienne [8]. Guerre de territoire et/ou guerre psychologique menée contre des opposants dont on voit les tags et inscriptions sur les bords en Sud-Vienne (N147) et les rassemblements, mais qui peinent encore à avoir une assise très populaire dans la ville de Poitiers.
Multiples oppositions, enjeux multiples
Parmi l’opposition au projet, il existe une pluralité de positions et de réflexions. Bien entendu nous soutenons celles et ceux qui s’opposent farouchement au projet et au monde qui l’accompagne. Ceci dit, nous n’occultons pas le fait qu’il y des intérêts divergents au sein des collectifs opposés au projet.
Il y a ceux qui ne sont pas contre le principe d’une construction de la LGV mais s’oppose au tracé choisi car il traverse leur commune chérie. Ceux qui y sont opposés pour des raisons financières : c’est le cas de la Présidente de la région Poitou-Charentes, Ségolène Royal puisque ce sont les collectivités territoriales qui doivent mettre la main à la pâte en ce qui concerne le financement du projet. Cependant si l’État décidait de financer le projet, alors la Présidente serait prête à revoir la question, même si elle reste dubitative quant aux retombées économiques du projet.
De la recomposition d’un paysage rural…
L’argument du financement est un point important pour les élus et pour les administrés que nous sommes : on l’a bien vu lors des élections régionales en 2010 dans le Limousin, la question de la LGV et de son financement ne furent pas un point de détail puisqu’elle provoqua, entre autres raisons, une division de la coalition de gauche conduite par Jean-Paul Denanot en 2004.
En effet, l’ex déchu de l’Élysée qui n’est autre que Nicolas Sarkozy voyant les caisses de l’État un peu vides, a décidé que le financement des LGV serait l’apanage des collectivités locales par le biais des impôts et donc de nos portefeuilles. Soulignons que cette décision fut entérinée par un vote d’élus de droite comme de gauche pour que cette construction se fasse dans le cadre d’un partenariat Public-Privé comme pour la construction du Centre Pénitentiaire Poitiers-Vivonne.
Toutefois, il existe une opposition plus vive et plus critique qui n’exclut pas l’argument économique à travers la question du financement, mais en apporte d’autres. Elle a déjà appelé plusieurs fois à des rassemblements, des manifestations devant des mairies et des préfectures, des envahissements de conseils municipaux afin d’habiter un espace où puisse résonner sa colère et son aspiration.
Elle est incarnée par des associations locales ou nationales écologistes (Amis de la Terre..), citoyennes (Coordination des Riverains et Impactés), des partis politiques (gauche radicale ou Verts [9]), des membres de syndicats ou de simples individus qui ont occupé l’espace public pour se faire remarquer afin de peser contre le tracé. On peut aussi souligner la position de certains élus, comme ceux du Conseil municipal de Peyrilhac (Hautre-Vienne) qui ont fait recours au Conseil d’Etat afin de faire annuler le tracé prévu actuel.
Opposés au projet, ils proposent pour la plupart une alternative qui serait la rénovation de la ligne déjà existante appelée P.O.L.L.T (Paris-Orléans-La Souterraine-Limoges-Toulouse), ce qui reviendrait à débourser 500 millions d’euros, au lieu des 2 milliards pour gagner selon les estimations entre 15 et 20 min. Ça fait cher la minute !
Cette proposition alternative au tracé étatique est accompagnée d’une certaine forme d’expertise sur la question environnementale en démontrant les nuisances qu’engendreraient les travaux de la LGV sur la biodiversité des lieux et de sites classés Natura 2000 (réseau européen qui identifie les espaces où vivent des espèces végétales, animales ou sauvages fragiles donc menacées de disparition). Pour exemples : à Chaptelat en Haute-Vienne, un écosystème est menacé par une déforestation, à Palais sur Vienne toujours en Haute-Vienne, des nuisances provoquées par un viaduc ou bien à Aslonnes dans la Vienne où c’est un agriculteur qui sera gêné. Bref, de nombreuses situations que les administrateurs du désastre ne veulent évidemment pas entendre [10].
« Metropolis delenda est » [11]
« Quand on revoit les mêmes gens plusieurs fois par jour, même si on les ignore, on s’aperçoit que les murs d’une métropole gardent les gens à l’étroit ». Jean-Jules Richard, humoriste quebécois.
Les grands travaux concoctés ces dernières années (LGV, implantation de ligne THT entre la Mayenne et le Cotentin, le réacteur EPR de Flamanville, l’exploitation du Gaz de schiste ou encore l’extension de parcs éoliens dans le Tarn, etc) sont une aubaine pour les politiques et les industriels, ils sont les socles des métropoles c’est pourquoi ils nécessitent des travaux longs et harassants qui absorbent une capacité de main d’œuvre importante en période de crise. C’est cette carte que le gouvernement va tenter de jouer : un modèle économique dépassé tel que le keynésianisme, basé sur le vieux mythe des grands travaux rooseveltiens des années 30. C’est ainsi qu’il souhaite faire illusion, du moins jusqu’aux prochaines échéances électorales. Et ce n’est pas le parti bureaucratique Europe Écologie-Les Verts qui va peser sur quoi que ce soit vu leur position sur l’industrie nucléaire. Celle-ci qui par ailleurs se frotte les mains quant à l’éventualité de la construction de ces grands projets pour continuer sa mainmise sur nos existences.
C’est donc avec une volonté et un sens politique à contre-courant, contre l’inertie que s’étaient rassemblées des centaines de personnes à Notre-Dame des Landes pour affirmer une opposition convergente européenne aux « grands projets inutiles » en juillet dernier, en liant les différentes luttes en cours.
La gentrification (phénomène d’embourgeoisement des quartiers à majorité prolétaire) des quartiers ouvriers et/ou populaires des grandes villes de l’hexagone, est aussi liée à celle de la mise en valeur marchande et spectaculaire de villes moyennes et de leurs zones rurales limitrophes, autrement dit une vaste opération de « marketing territorial ». À l’image de la politique de la communauté de l’agglomération poitevine avec sa technopole du Futuroscope, ses Viennopôles et son Cœur d’agglo ! Pour ainsi dire, il n’y a pas de gentrification sans métropolisation. Celle-ci va toujours de pair avec une injonction à un ordre bourgeois, à un mode de vie urbain standardisé par la logique du profit intrinsèque à l’économie capitaliste. Pour qui sont faites les LGV ? C’est souvent ceux qui ont de l’argent – vu le prix d’un billet de train de la SNCF – comme ces cadres dynamiques et mobiles, hommes politiques, bureaucrates ou ingénieurs qui ont de la valeur à revendre.
Eventrer, réaménager le territoire…
En fin de compte, rien de nouveau sous le soleil : la classe possédante, c’est à dire la bourgeoisie pense à ses propres intérêts de classe donc elle « travaille » toujours pour forger le monde à sa propre volonté, sa propre image.
Et ce, de manière duelle, elle intègre et pacifie pour modeler et dominer d’un coté et de l’autre elle exclut, expulse, discrimine.
Donc si réaménager le territoire permet d’éventrer les territoires jusque là non attractifs voire rétifs à la colonisation du Capital et de la marchandise, afin de les quadriller pour rogner sur les solidarités locales et leurs autonomies ; faire fuir et assujettir les populations qui y habitent tout en gagnant de l’argent, c’est parfait.
Les petits malheurs de la LGV Tours-Bordeaux
Source : presse locale
Déjà à l’œuvre depuis le début de l’année 2012, le chantier subit quelques ralentissements. Serait-il frappé par la malédiction ou par la sorcellerie picto-charentaise ? En effet, de biens curieux événements viennent troubler le train-train quotidien du chantier :
-Avril 2012 : En Charente, une quinzaine de véhicules endommagés sur un chantier du coté de Roullet Saint-Estèphe, à base de terre, de coupures de câbles et de graissage.
-Août 2012 : Trois véhicules (deux camions et un tractopelle) appartenant au groupe COSEA qui participe à la construction de la LGV ont été entièrement incendiés au niveau du Rond-Point de la Folie à au Nord de Poitiers.
-Septembre 2012 : Découverte d’amphibiens, les tritons de blasius, espèce rare et protégée qui a nécessité un arrêt temporaire du chantier.
-Septembre 2012 : Un matin dans la commune d’Avanton dans la Vienne, en allant au boulot,un travailleur de la société Colas Rail filiale du groupe Bouygues, a été gravement brûlé (et amputé) par l’explosion de sa bagnole causée par une bouteille d’acétylène.
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1. «Le gouvernement pourrait annuler certains projets LGV», Le JDD, le 11/07/12.
2. «Accélération.Une critique sociale du temps» Hartmut Rosa, La Découverte, 2010.
3. Disponible sur le site de La Documentation Française.
4. Lire à ce sujet la brochure « Notes sur l’écologisme d’Etat et le capitalisme vert », du Collectif contre la société nucléaire, disponible sur : www.infokiosques.net
5. Journal Officiel, Question orale/Assemblée Nationale, Séance du 03/06/08.
6. « La LGV reste sur les rails », La Nouvelle Republique, le 04/10/12.
7. Il a interprété « La vie en Rose » d’Édith Piaf, le soir de la victoire de Hollande.
8. «LGV Poitiers-Limoges : le Maire de Limoges est confiant», 7 à Poitiers, le 13/07/12.
9. Au sein des partis tels que EELV ou Parti Communiste, il y a des différences de positions selon les départements.
10. Reportage France 3-Limousin-Midi Pile-du 08/01/11
11. « La métropole est à détruire » vu à la manifestation du 24 mars 2012 à Nantes contre l’aéroport Notre-Dame des Landes.
Posted: décembre 18th, 2012 | Author: Epine noire | Filed under: contrôle, répression, prison, Expulsion, luttes des sans-papier-e-s, Migration, Poitiers, Police, Politiques migratoires/migrants & sans-papiers, sans frontières, sans-papiers, (im)migrations | 1 Comment »
En mars dernier, Kevin était arrêté et immédiatement placé en centre de rétention. Une agitation, inhabituelle à Poitiers, s’en est suivie. Elle s’est conclue avec la libération du lycéen. Retour sur un mois de combat.
Le 25 mars dernier, lors d’une partie de foot à Saint-Éloi, un quartier populaire de Poitiers, une patrouille vient contrôler l’identité d’un des joueurs et l’embarque. Ce garçon c’est Kevin, un lycéen de 19 ans, scolarisé en terminale Bac Professionnel Hôtellerie au lycée Kyoto de Poitiers. Si la Police l’embarque et le fait enfermer au Centre de Rétention Administrative (CRA) du Mesnil-Amelot (77), c’est parce que Kevin, est de nationalité congolaise et sans-papier. En effet, en vertu des législations (anti)migratoires successives promulguées par le pouvoir politique français depuis quarante ans, ce jeune homme, vivant en France avec sa famille depuis 2006, est tenu en situation irrégulière par la bureaucratie préfectorale. Celle-ci, s’appuyant sur le passé judiciaire de Kevin, prétexte une « intégration insuffisante » de sa part et refuse de lui délivrer un « titre de séjour »¹. Très vite, les proches, les personnels, profs et élèves du lycée ainsi que les militant-e-s et les non-affilié-e-s, s’organisent pour obtenir la libération de Kevin : pétitions, rassemblements, manifs sauvages² ont lieu. Une affiche³ invitant à la solidarité avec Kevin et à une offensive contre les frontières est également placardée dans le centre-ville.
3. Affiche de solidaité avec Kevin
La presse locale fidèle à sa doctrine marchande de « neutralité » relaye la lutte, ainsi que le vomi verbal du secrétaire général de la préfecture d’alors, Jean-Philippe Setbon, (depuis remplacé par Yves Seguy) sorte de sous-Eric Zemmour tant par l’emballage que par le contenu. Un des journaleux va même jusqu’à féliciter le travail de pacification mené lors de la première manifestation par deux militants d’extrême-gauche qui pensaient naïvement pouvoir canaliser les ardeurs de jeunes prolétaires en colère. Les efforts de ces valeureux militant-e-s anticapitalistes s’avèrent inutiles car personne, à part les keufs, ne semble souhaiter une confrontation. Ces derniers attendaient pourtant tranquillement la fin de la manifestation pour arrêter deux personnes. On a également pu voir une autre facette du maintien de l’Ordre à la française : un bus, rempli de jeunes manifestant-e-s quittant la place du marché en direction de Saint-Éloi, suivi par une voiture remplie de BACeux, dont l’un brandit son lance-grenade lacrymogène par la vitre ouverte.
Kevin lui, reste en contact avec ses proches par l’intermédiaire de son téléphone portable et a donc vent de l’agitation que la perspective de son expulsion vers le Congo (où son père a été tué car il s’opposait au pouvoir politique) provoque à Poitiers. Peut-être cela explique en partie que le 19 avril 2012, alors que des policiers le maintiennent contre son gré dans un avion de ligne à destination de Kinshasa, il se débat et hurle qu’il n’a pas à être renvoyé au Congo, surtout pas à deux mois du bac. Des passagers du même vol, prévenu-e-s à l’aéroport par des membres du Réseau Éducation Sans Frontières (RESF) se lèvent alors, empêchant de fait le décollage de l’appareil. Et ce malgré les menaces des porcs de la Police Aux Frontières (PAF) puis des CRS, qui filment les passagers debout pour les intimider. Au bout de deux heures, l’avion décolle finalement sans Kevin à bord, qui est libéré par le Juge des Libertés et de la Détention (JLD) le lendemain. Un passager est également débarqué de l’appareil par la Police qui lui reproche une rébellion.
Ce que nous souhaitons retenir de tout ça, c’est que contrairement aux précédentes tentatives d’expulsion, la défense de Kévin a été organisée rapidement et par de multiples forces (lycée, associations, partis d’extrême-gauche, anarchistes et autres), que certain-e-s engagé-e-s dans cette défense n’ont pas hésité à sortir des cadres habituels de la défense des sans-papiers à la pictave, très certainement par méconnaissance des-dits cadres. Ainsi le tempo impulsé par les jeunes de Saint-Éloi (que les militant-e-s habituel-le-s n’ont pu que suivre, non sans mal) lors de la première manifestation a fait son petit effet médiatique et a contribué à faire parler de la situation de Kévin. Cette manif’ – composée, c’est assez rare pour être signalé, de 400 personnes – n’est pas passée inaperçue, tant par sa durée, son trajet assez long et plutôt spontané et sa vitesse très soutenue, que par son niveau sonore. Les autres manifestations, plus calmes et reprises en main par une présence policière plus forte et plus agressive et par la frange la plus citoyenne des collectifs de défense des sans-papiers n’ont pas eu le même écho même si elles ont contribué elles aussi à montrer que cette violence d’État créait du désordre, et qu’il était préférable de libérer Kévin afin de rétablir une certaine paix sociale dans les rues piétonnes de notre ville « bonhomme ». Nous supposons que ce mouvement de soutien a joué sur la motivation de Kevin à ne pas se laisser embarquer de force vers le Congo et qu’il peut servir localement comme un précédent de résistance «victorieuse» à l’expulsion du territoire. Le travail des militant-e-s du RESF ici comme en région parisienne a aussi très certainement contribué à faire se lever (littéralement) les passagers du vol vers Kinshasa contre une certaine politique migratoire française et ce sous une pression policière étouffante. Pour nous, même si on ne peut parler de recette miracle, il semble que cet agencement de diverses pratiques très complémentaires de lutte puisse porter ses fruits. Une leçon à méditer ?
1. Le « titre de séjour » bien que ressemblant à la carte nationale d’identité (héritage pétainiste), permet un contrôle encore plus accru des populations qu’il concerne. Il est temporaire et délivré au compte-goutte bien souvent au bon vouloir et à l’arbitraire des préfectures. Une personne n’ayant plus de titre de séjour valide devient « sans-papier », est considérée « en situation irrégulière », à la merci d’une expulsion du territoire, ne bénéficie plus des prestations sociales mais peut toujours cotiser et payer l’impôt, ça y a pas de problème… Autant dire le profil bas est de rigueur pour obtenir et conserver le précieux sésame.
2. Le compromis tacite actuellement en vigueur à Poitiers entre la Police et les militant-e-s est assez pacifié : la Police laisse les manifestations non-déclarées en préfecture se dérouler, et les accompagnent, dans la mesure où elles ne sortent pas de la promenade où on crie un peu.
Les suites de « l’affaire de l’affiche noire »
Dans nos dernières brèves du désordre (voir l’Épine noire n°1), nous relayions une initiative de solidarité avec les sans-papiers, à savoir un collage d’affiches incitant la population pictave à se débarrasser du préfet et de son secrétaire général d’alors (tous deux aujourd’hui remplacés par d’autres) plutôt que de laisser les immigré-e-s être chassé-e-s par le pouvoir politique. Il semble que la maison poulaga ait peu goûté cette initiative, puisqu’elle a, en janvier dernier, auditionné une personne qu’elle soupçonnait être l’auteur de l’affiche. Affaire à suivre…?
Posted: décembre 11th, 2012 | Author: Epine noire | Filed under: Alentours, Inclassables, mouvement social, grèves, actions, manifs, Poitiers | Commentaires fermés sur Chroniques de la guerre sociale
Préavis de grève chez Vitalis pour le jour de la rentrée scolaire*
Chez Vitalis, une grève unitaire se profile pour le jour de la rentrée scolaire, un choix stratégique qui semble démontrer un profond malaise. C’est le syndicat « Solidaires transport Vitalis » qui, le premier, a annoncé hier le préavis de grève de 55 minutes prévu pour le mardi 4 septembre, de 7 h 45 à 8 h 40. Reconductible, ce mouvement répond à quatre revendications : le climat social, les conditions de travail dans tous les services (conducteurs, administratifs, atelier), les salaires et les accords pour les plus de 55 ans. Une demande de rendez-vous avec Alain Claeys, président de Vitalis, a par ailleurs été envoyée hier puisque le syndicat souhaite traiter avec les élus la problématique qu’il juge principale à savoir le climat social. « Solidaires transport Vitalis » va même jusqu’à demander « que le contrat du directeur ne soit pas renouvelé ».
Il mord un contrôleur : prison avec sursis*
Le 18 juillet dernier, les contrôleurs de Vitalis sont dans le bus. Ils repèrent Juan, 32 ans, dont le titre de transport est périmé depuis vingt minutes. Le contrôle dans le bus se passe sans encombre jusqu’à ce que le passager se rapproche de la sortie.
Les contrôleurs suspectent un projet de sortie de force à l’arrêt suivant. Ils bloquent les issues de l’autobus. Juan s’énerve : un contrôleur est mordu sévèrement à l’épaule. Un autre prend deux coups de poing. L’agresseur s’enfuit avant de se faire interpeller quelques minutes plus tard.
Vendredi, devant les juges, le prévenu n’a pas contesté avoir mordu l’un des deux contrôleurs. Les coups de poing étaient, selon lui, des gifles. Le tribunal l’a condamné à quatre mois de prison avec sursis. Il doit régler 400 € de préjudice moral à chaque contrôleur et 1.000 € de préjudice commercial pour Vitalis.
*Tirées telles quelles de la presse quotidienne régionale
En attendant de pendre ton patron, siphonne-le!
Un chauffeur-routier s’est fait gauler par la maréchaussée avec sept bidons de 20 litres, en train de siphonner un camion de 38t qui appartient à la boite de son patron. En GAV (garde-à-vue) il a dit aux flics qu’il a, pendant trois mois, siphonné plus de 4.000 litres…. Sissi !
Quelques chiffres
D’après le greffe du commerce de Poitiers, il y a eu 115 faillites de boites entre janvier et aout 2012 dont 60% en liquidation judiciaire. Ce qui fait toujours moins que l’an passé à la même période où ce furent 216 boites qui ont mis les clés sous la porte…
Epée de Damoclès au Futuroscope
2012, les emplois dans les centres d’appels situés sur le site de la technopole du Futuroscope dans le Nord de la Vienne sont en baisse et pour cause la délocalisation est en cours dans des pays francophones tels que le Maroc ou le Sénégal car le coût du travail y est très bas. Malgré les différentes mobilisations de ces derniers temps, les conditions de travail ne se sont pas améliorées et les salaires sont toujours peu élevés, d’où un turnover important. De plus, nombre de CDD et d’intérims ne sont pas renouvelés, ce qui prévoit une année assez obscure pour le début d’année 2013 où les régions de Rouen, de Caen et de Poitiers vont être durement touchées.
Centres d’appels vs. prolétaires
« On a affaire à la plus grande fraude au code du travail, 1.877 salariés sont concernés. La société SFR a violé ses engagements ». C’est par cette phrase que l’avocat illustre ce qui se joue en ce jour de juillet 2012 aux prud’hommes de Poitiers. Des ex-salariés du site de Chasseneuil-du-Poitou (Technopole du Futuroscope) ont attaqué leurs boites (SFR et Aquitel) car elles se sont entendues afin de transférer ces mêmes salariés à Teleperformance, basée sur Toulouse pour que les salariés evitent de jouir de leurs droits dans le cadre de licenciements économiques et les forcer à des départs volontaires. La justice n’a pas encore tranché, verdict en mars 2013.
Hopital du Blanc : la mobilisation continue
La mobilisation est toujours aussi forte au Blanc (Indre) afin de sauver les services de maternité et de chirurgie. Le comité de défense du centre hospitalier, très soutenu par des élus locaux, est en négociation avec l’ARS (agence régionale de santé) et la ministre de la Santé Marisol Touraine pour établir des réunions de travail pour le maintien de ces services. Affaire à suivre…
Culasse, hélas, prélasse
Avril 2012, les fondeurs du Poitou-Alu à Ingrandes (Vienne) apprenne qu’il ont un nouveau repreneur : Saint-Jean Industries. Ce qui est une bonne nouvelle en matière de maintien de l’emploi et pour la sauvegarde du niveau de salaires (le plan patronal prévoyait une baisse de 25%…). Mais dans le même moment, la masse salariale a baissé, c’est à dire que les effectifs ont baissé (de 600 à 400 environ) : en effet, la boite a favorisé le départ des hauts salaires (dûs à la qualification et à l’ancienneté) et des départs volontaires. La riposte patronale à une grève ouvrière de plus de deux mois : la lutte des classes continue.
Copper Brothers
En octobre dernier, une bande de trois frères passait en procès. Elle est accusée d’avoir récupéré le cuivre sur les poteaux électriques des lignes de chemins de fer des départements des Deux-Sèvres, Haute-Vienne, et de la Vienne. Plus de 240 km de lignes furent dépouillés ce qui revient à peut près à 10t de cuivre. 40.000 euros de bénefs à la revente. La SNCF, qui a porté plainte, demande près de 60.000 euros..
Sournoiserie patronale à Chiré-en-Montreuil (Vienne)
Un débrayage de deux heures a eu lieu à l’usine (650 personnes) de fabrication de volants et d’airbags Autoliv-Isoldeta (groupe suédois) en réaction à la délocalisation de machines, plus précisément de presses à injection métal, vers des pays tiers (Tunisie, Turquie ou bien Roumanie). Les salariés y voient une tentative de dégraisser les effectifs de manière méthodique, comme ce fut le cas pour les intérimaires lors du plan de 2008.
Quand la prison de Vivonne menace de faire couler une PME
À Roullet-Saint-Estèphe, dans le département de la Charente, M. Larcour possède une entreprise (T2M Services) spécialisée dans le conditionnement à façon. Pour que son entreprise tourne bien, il lui faut des « petites mains » d’où une forte féminisation dans ses ateliers. Or, ces travaux manuels peuvent aussi être effectués à moindre coup par les taulards dans la région. Et oui, car manque de pot pour lui, son entreprise est typique dans les standards des travaux d’insertion pour prisonniers, elle est en concurrence avec Gepsa, filiale de Cofely et du Groupe GDF Suez qui s’occupe du taf à la prison de Vivonne. Du coup, il a vu quelques projets et marchés lucratifs lui passer sous le nez : le coût de la main d’œuvre carcérale défiant toute concurrence avec 4,10 euros de l’heure, 45% du smic… Il va continuer de se mordre les doigts, le petit capitaliste…
« Marginaux » en ligne de mire
Cela fait depuis bientôt un an que la mairie de Poitiers, la Police et les commerçants veulent se débarrasser des mal-logés, des punks-à-chiens, ou autres zonards du centre-ville : nouvelle image à assumer avec la mise en place de Cœur-d’agglo. Contrôles d’identité intempestifs, harcèlements, insultes, placements direct des chiens à la SPA, PV à la pelle pour ivresse sur la voie publique. Mais faut croire que ça ne suffit pas. Alors afin de mener à bien cette opération de nettoyage, Mairie, Police et commerçants se concertent et organisent des réunions afin d’y remédier…
Aubade blues administratif
En mars dernier, le tribunal administratif a annulé les licenciements de 8 ex-salariées de l’usine Aubade de Saint-Savin (Vienne). Il a pris a contre-pied la décision des prud’hommes qui avait avalisé les licenciements, estimant que le groupe suisse Calida, propriétaire d’Aubade, avait largement les moyens économiques et financiers pour garder les emplois.
Rebelote à [Arféo]-Buroform?
Après des menaces de licenciements courant 2010, l’usine Buroform avait trouvé un repreneur au printemps 2011 : le groupe Arféo. Début octobre 2012, 80% des 107 salariés de l’usine de fabrique de mobiliers bureautiques installée à Valdivienne (plus précisément à Morthemer) avaient débrayé pendant une petite heure en solidarité avec les collègues de Mayenne qui sont menacés de cessation de paiement. Cette menace est devenue une réalité maintenant vu que les deux sociétés du Maine-et-Loire et de Mayenne sont en redressement judiciaire. Du coup, les salariés de Valdivienne ont la peur au ventre, seront-ils les prochains ?
Misère de l’amiante
Un bien “macabre” procès au Palais de Justice de Poitiers eu lieu contre 22 des quelques 900 anciens salariés des ACRP (Ateliers et Chantiers navals de La Rochelle-Pallice) en Charente-Maritime. La justice leur réclame les indemnités (8.000 euros) qu’ils avaient reçu du conseil des prud’hommes comme préjudice à cause de l’amiante. Rappelons qu’il y a déjà eu 37 décès chez les anciens ouvriers des chantiers et 32 sont en maladie professionnelle… En réaction, les salariés ont décidé de réclamer près de 10.000 euros à la Cour. En fin de compte, le 24 octobre dernier, la justice a décidé qu’ils ne gagneraient pas de thunes en plus, mais qu’ils garderaient leurs indemnités tout de même. Bonne nouvelle…
Lutte des prisonniers basques de Vivonne
Une manifestation de soutien aux prisonniers politiques basques de l’ETA a été organisée par le mouvement Herrira devant la prison de Vivonne, qui en compte quatre : deux femmes et deux hommes. Herrira demande une amélioration des conditions de prisonniers et le rapprochement au pays. De plus, on a appris que la militante de l’ETA Saioa Sanchez Iturregui soupçonnée d’être impliquée dans l’assassinat des deux gardes civils à Capbreton en 2007, sera jugée par une cour spéciale en avril 2013 prochain à Paris. Ensuite, elle sera remise à la justice espagnole…
La nostalgie, camarade
Le 20 octobre une soixantaine de militants du Bloc Identitaire (groupe d’extrême droite) a occupé pendant quelques heures le chantier de la future grande mosquée de la ville de Poitiers. Tintamarre médiatique assuré, joli coup d’éclat spectaculaire. Notons par ailleurs l’hypocrisie des médias feignant étonnement et stupeur alors même que l’action des identitaires était connue et suivie par ces mêmes médias (présence des cameras de BFM TV).Tollé général, du préfet Yves Dassonville jusqu’aux représentants des cultes. En réaction une coordination de « front unitaire antifasciste » de jeunes militants de gauche et d’extrême gauche (des jeunes socialistes aux syndicalistes de la CNT) ont organisé une manifestation, dans le quartier populaire des Courronneries, qui a réuni près de 300 personnes.On notera par ailleurs la réflexion des journalistes de la Nouvelle République, des politiques locaux et des services de renseignements qui satisfaits d’apprendre qu’il y a très peu de poitevins au sein du Bloc identitaire, ont fait un parallèle de l’action des identitaires à celle de la manifestation anti-carcérale du 10 octobre 2009. Bref, cibler la mosquée de Poitiers n’était pas anodin : il s’agissait d’abord de ressouder un groupe politique en proie à des divisions internes. Ensuite, il s’agissait de faire peur à la population, de distiller un discours raciste en divisant les prolétaires et de trouver des boucs-émissaires à la crise capitaliste : ici ce sont les musulmans, mais parfois c’est les bénéficiaires des minimas sociaux , les banlieusards, les chômeurs, des travailleurs qui luttent, les Rroms… De plus, il y a la nostalgie historiciste : célébrer la victoire de Charles Martel sur les troupes d’Abd er-Rahman en 732. Nous n’allons pas rentrer dans de grandes considérations historiques, mais ces identitaires devraient faire un peu d’histoire : Charles Martel, malheureusement pour eux, n’était pas un fervent patriote (guerre contre Eudes, le Duc d’Aquitaine) et encore moins un défenseur de l’occident chrétien mais bel et bien un chef militaire assoiffé de pouvoir et obsédé d’installer sa lignée future en puissance : la dynastie carolingienne.
Posted: mai 18th, 2012 | Author: Epine noire | Filed under: Ecologie - nucléaire - alternatives, écologie, anti-nucléaire, agriculture, ressources naturelles, Poitiers | Commentaires fermés sur Soirée d’info sur la ligne THT le 25 mai au Pilori
Posted: mars 9th, 2012 | Author: Epine noire | Filed under: Poitiers, Prison | Tags: Comité poitevin anti-repression | Commentaires fermés sur [Débat] Les luttes anticarcérales depuis les années 80 – 17 mars 2012
http://www.antirep86.fr/2012/03/08/debatprojection-anti-carceral-le-17mars-a-poitiers/
Posted: janvier 25th, 2012 | Author: Epine noire | Filed under: Environnement et écologie, Poitiers, Transports, Urbanisme/aménagements du territoire | 1 Comment »
Retour sur les agressions dans les bus Vitalis
Vous l’avez peut être entendu, lu ou vu cette année, il y aurait eu une hausse des agressions physiques et verbales envers les contrôleureuse-s et les conducteur-trice-s de bus du Vitalis (Régie des Transports Poitevins) de la communauté d’agglo poitevine (CAP, nouvellement rebaptisée «Grand Poitiers» pour l’entrée dans l’ère de la métropolisation –cf.J-P Garnier-), Vitalis. Au total, ce sont trois agressions très médiatisées qui ont poussé les salariés de Vitalis à faire prévaloir leur droit de retrait, c’est-à dire de cesser subitement de travailler.
Nous ne souhaitons pas rentrer dans les détails de ces paroles et gestes de mépris et de haine envers des personnes ayant une autorité sur le quotidien de milliers de personnes chaque jour. Car effectivement, il faut que les usagers leur rendent des comptes, ce qui signifie montrer patte blanche à chaque montée (ou bien descente) dans le bus, comme par exemple acheter un ticket, montrer son pass-bus etc… Cependant, nous tenterons de montrer que derrière les prérogatives du «droit de retrait», les réactions émotives et solidaires des collègues de boulot se cachent des raisons un peu plus complexes : c’est l’enjeu des rapports de force au
sein de la société Vitalis, et des rapports qu’elle entretient avec ses usagers-habitants [de l’agglomération poitevine] au sein du vaste projet de rénovation urbain Coeur-d’agglo.
Vitalis et le « management Veolia»
[Peu avant la diffusion du journal nous avons appris que Veolia opère une nouvelle stratégie du groupe (qui signifie caprice des actionnaires) en voulant délaisser le secteur des transports collectifs pour se recentrer sur l’eau et l’Énergie.
Nous suivrons cela de plus près (source presse rapine : Les Echos)]
Nom donnée à la régie des transports des transports poitevins depuis le 1er janvier 2004 pour toute la communauté d’agglomération poitevine. C’est une société d’économie mixte : c’est à dire gérée à la fois par le privé et par les autorités publics, en l’occurrence pour Poitiers, c’est la communauté d’agglo qui décide de la stratégie économique et de la politique tarifaire à mener.
Or depuis quelques années, on a entendu ici et là quelques voix dissonantes au sein de Vitalis. Celles-ci critiquent les transformations de l’organisation du travail. Et pour cause, depuis 2009, Vitalis a un nouveau directeur en la personne de Thierry Wischnewski. Ce dernier, a un CV bien fourni, puisqu’il a été a maintes reprises à la tête de plusieurs compagnies privés de transports de voyageurs : dans la région rouennaise (TCAR), en région parisienne (STRAV) ou bien encore dans la région bordelaise (Veolia Transport Bordeaux). Transfuge de Veolia-Environnement (ex Compagnie générale des eaux, ex Vivendi, est une multinationale qui s’est spécialisée dans les services que l’Etat lui a cédé peu à peu ces dernières années : eau, propreté, énergie et transports) Monsieur Wischnewski débarque avec des nouvelles techniques de gestion des travailleurs du secteur public, c’est-à-dire le management public. C’est une gestion particulière, d’inspiration néo-libérale de l’entreprise, assez brutale dans la mesure où sous couvert d’optimisation et de performance (zéro défaut…) du réseau de bus, on exerce une pression sur les travailleurs. C’est assez paradoxal étant donné que des mots comme « polyvalence »,« autonomie» ou bien « d’élargissement des tâches et des compétences » sont mis en exergue quand bien même la hiérarchisation s’est accrue. Ce qui met les salariés sous pression et les rendent responsables de tout ce qui arrive dans leur travail. Cette nouvelle forme déstabilise de fait, un grand nombre de salariés en remettant en cause leur savoir-faire et acquis de leur expérience professionnelle. Par ailleurs, on peut souligner la stratégie économique de Veolia-Transport dans la région : la multinationale gère déjà une partie des transports dans la campagne aux alentours de Poitiers (par exemple pour les bus scolaires) et elle réussit à installer « un homme-lige » à la tête de Vitalis [1]. A terme, il est évident que Veolia souhaite avoir un rôle prépondérant dans les transports collectifs dans la région.
« Sécuriser » à tout prix
Les techniques de management ne touchent pas seulement les salariés : elles ont bien évidemment une incidence sur les usagers. Thierry Wischnewski a une conception bien particulière de la sécurité, puisqu’il a prôné l’instauration des caméras de surveillance et leur généralisation dans tous les bus de la régie. C’est pourquoi, depuis plus d’un an maintenant, il y a trois caméras par bus dans les 130 que possèdent Vitalis ; faites les comptes, c’est énorme [2] ! De plus, ces caméras s’accompagnent d’un petit message qui cache mal le cynisme d’une telle décision : « Souriez, vous êtes filmés » – un détournement publicitaire qui fait référence
à l’association portant ce nom et réunissant des personnes actives contre la vidéosurveillance, les technologies du contrôle sécuritaire de la population et autres pratiques orwelliennes [3]. Soulignons que c’est avec l’aide de l’agence-conseil en communication au doux nom de Bluecom que Vitalis fait sa propagande.
Ce flicage de la part des conducteurs et donc des usagers est la conséquence d’un rapport de force plus défavorable face au patronat au cours des dernières années. Dans les années 70-80, il y avait encore des formes de résistance aux contrôles des usagers de la part des conducteurs de bus. Le recul de la conflictualité des bastions ouvriers traditionnels, l’installation d’un chômage de masse et la spectacularisation du débat sur l’insécurité à des fins électorales, ont facilité l’accroissement des dispositifs législatifs de contrôles comme par exemple, l’instauration de la Loi Sécurité Quotidienne en 2001 (sous gouvernement socialiste)
puis celles ajoutées par la majorité au pouvoir depuis 2002-2003. Ainsi,avec la crise, les comportements autoritaires, disciplinaires et de mise au pas de la part de certains conducteurs et contrôleurs sont plus favorisés.
C’est pourquoi, il n’y a là rien d’étonnant de la part de Wischnewski, car il n’en est pas à son premier coup en matière de flicage de transports collectifs. En 2001, lorsqu’il était directeur de la STRAV (Société de transport automobile de voyageurs) de Brunoy (Essonne, en Ile-de-France), il a également généralisé la mise en place de caméras dans les bus (130 bus…) [4]. Ceci était passé sans trop de résistance, et pour cause : il paraît que les conducteurs de bus en voulaient. Intéressant de voir comment les conducteurs, avec l’assentiment intéressé de leur patron, croient en les vertus de la surveillance pour ne plus être agressés dans les bus, et pour renouer la confiance avec les usagers. Cette hystérie sur les caméras en dit long sur la peur entretenue grâce aux médias, mais aussi sur une certaine coupure entre les travailleurs de Vitalis et une partie de la population. Elle a eu son point d’orgue l’an dernier, avec la propagande contre la fraude qui a fait suite à une campagne pour la gratuité des transports poitevins rappelant la propagande gouvernementale antifraude de la Sécu sur les ondes hertziennes…
Ne soyons pas dupes, il y a une corrélation entre les projets de rénovation urbaine Coeur d’agglo, la ligne LGV Sud Europe Atlantique (sans oublier le projet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes) et le réaménagement des lignes de bus, la propagande antifraude et les velléités d’intimidation voire la vaste opération de police et d’aseptisation de la ville de Poitiers.
De même qu’il y a une corrélation entre le fait que Vinci s’implique dans Coeur d’agglo et l’arrivée de Wischnewski comme manager aux méthodes autoritaires de Vitalis : les grandes multinationales s’entendent [5]…
A défaut de faire grève….
Les revendications sécuritaires, voire carrément réactionnaires des conducteurs/contrôleurs de bus pour plus de sécurité donc plus de flicage des usagers nous font horreur. Ce qui nous intéresse en particulier, ce sont les interruptions de travail! Pourquoi attendre une agression d’un collègue pour se réunir, se retrouver et discuter de bien de choses autres que l’agression?
Parler du pourquoi, il y a plus de en plus de personnes qui fraudent dans les bus, pourquoi les relations sociales interpersonnelles, à certains égards, dans une ville comme Poitiers se sont tendues? Pourquoi il y a de plus en plus d’actes relevant de l’illégalisme dans la ville « bonhomme » ? Parler aussi des conditions du boulot, des relations avec le directeur de Vitalis etc.
Par conséquent, ces différents arrêts de travail en cas de « danger grave et imminent » relevant du « droit de retrait » [6], paraissent comme une arme face à la routine de la quotidienneté d’un conducteur de bus (plus efficaces que les blocages lors du mouvement contre les retraites en automne 2010). C’est en quelque sorte une façon détournée de faire grève et éclaire sur le degré de conflictualité de basse intensité au sein de Vitalis. En l’occurrence, c’est le syndicat SUD, qui a depuis plus d’un an dénoncé un « climat tendu » à Vitalis [7]. On aimerait bien qu’il dénonce également l’exploitation des taulards : Vitalis faisant faire les cartes abonnements aux taulards de la région…
La gratuité comme remède?
Face à un monde où tout devient marchandise, même un simple déplacement pour aller faire les courses, aller aux bahuts, au cinéma ou bien pour aller dans une boite d’intérim pour trouver un job, il est plus que nécessaire d’affirmer la gratuité des transports publics au sein de la CAP , quitte à faire raquer les bourges. Ceci dit, dans l’urgence, plusieurs dizaines de personnes fraudent, elles n’attendent pas l’aval d’un conseil municipal ou général pour attendre la gratuité. Malgré la propagande sur dispositifs antifraudes (plus de contrôles) et sécuritaires (comme par exemple faire suivre noctambus par un véhicule de controleurs), la fraude va bon train. Il n’y a pas de volonté politique au niveau local pour vouloir le réseau gratuit à quelque exception près [8].C’est peut-être l’occasion, en ces temps de où boucler les fins de mois deviennent plus difficile qu’à l’accoutumé pour de nombreuses personnes de lancer une initiative telle qu’une «mutuelle de fraudeurs» comme il en existe dans de nombreuses villes ? Si Vitalis veut moins de fraudes, elle n’a qu’à baisser les prix des abonnements à l’année. Ces derniers ont, par exemple pour les jeunes, augmentés, les conditions d’accès à un abonnement à un prix raisonnable pour les chômeurs et précaires se sont durcies. Alors que la direction de Vitalis ne s’étonne pas de la fraude comme acte de «ne pas payer pour se déplacer», pour vivre tout simplement.
[1] Veolia-Transports/ Poitou-Charentes
[2] Transports Publics « La sécurité avant tout », 7 à Poitiers
[3] http://souriez.info/
[4]Les bus du Val-d’Yerres équipés de caméras, le parisien
[5] Article/ Eclairage : Comment Vinci prépare le plus grand chantier d’Europe, Le moniteur
des travaux publics et des bâtiments, 24/06/2011
[6] « Droit de retrait » voir site http://www.legifrance.gouv.fr/
[7] Tract du syndicat SUD : http://www.npa86.org/IMG/pdf/SUD_VITALIS.pdf
[8] Pourquoi les bus Vitalis ne sont-ils pas gratuits?, Nouvelle République, du 30/11/09
Mettre les B.H.N.S, H.S.
Les Bus à Haut Niveau de Service devraient être mis en place d’ici quelques années au sein du « Grand Poitiers », le projet regroupant 3 lignes à haut niveau de service avoisinerait les quelques 300 millions d’euros ( mise en place de la voierie, des infrastructures, achats des bus haut de gamme…). Un investissement économique lourd pour l’agglomération poitevine, mais qui ne sera pas sans bénéfices sur son économie. C’est en effet un projet à long terme s’inscrivant pleinement dans le plan urbain de « Grand Poitiers » et de son « Coeur d’Agglo » si cher à notre bon Maire. La ville Bonhomme et son agglomération étant dans un processus de métropolisation, où la mobilité, l’accessibilité sont de rigueur; les BHNS agrémentent entièrement ce dessein.
Les Bus à Haut Niveau de Service font partie des TCSP (les Transports en Commun en Site Propre), on les retrouvent aux cotés des métros et autres tramways. Ces TCSP sont déjà en place depuis plusieurs années dans les grandes villes de France, mais les nouvelles « grandes agglomérations » françaises en vue de métropolisation et en concurrence entre elles considèrentces moyens de transports comme un atout indéniable dans leur restructuration urbaine. Il n’est donc pas étonnant de voir afficher dans « Poitiers Magazine » d’Octobre 2009 au sein d’un dossier consacré aux déplacements. Malgré cette compétition, les différents projets de BHNS et plus globalement de TCSP, s’inscrivent dans un processus global et commun à l’ensemble des différentes « grandes villes » ou autres « grandes agglomérations », une mobilité rapide et régulière, un accès facile et sans encombres à différents pôles de commerces et autres lieux deconsommation, ou bien encore à divers centres de divertissement où la « Culture » y sera dispensé sans vergogne. A Poitiers ces BHNS s’entrecroiseront en centre ville, draguant les quartiers et autres communes résidentielles de l’agglomération Poitevine, cherchant bien sûr à attirer une population ayant délaissé ce dernier en faveur de différents grands centre commerciaux de la périphérie, facilitant son accès aux touristes…Vitalis sera bien sûr bénéficiaires de ce projet, complétant son parc avec des bus haut de gamme, permettant à l’entreprise d’augmenter ses tarifs, de renforcer les contrôles (d’autant plus facile par la création de 1 ou 2 pôle/ parcobus où quasi l’ensemble des bus passent), de concurrencer d’autres réseaux de transports français.Ne nous laissons pas leurrer par cette « accessibilité » pour les quartiers populaires, ainsi que par la « modernité verte », vendu à coups de pseudo « développement durable » et autre « zone verte » et « site propre ». Ces Bus à Haut Niveau de Service ; tout comme la LGV Poitiers/ Limoges, la LGV SEA, constituant « l’étoile ferroviaire Poitevine » ; s’inscrivent dans une société où l’accessibilité, la mobilité, la rapidité, les échanges commerciaux, le consumérisme sont de mise.
Posted: janvier 21st, 2012 | Author: Epine noire | Filed under: Entretien, Poitiers, Urbanisme, Urbanisme/aménagements du territoire | Commentaires fermés sur Question urbaine ou question sociale? Morceaux choisis de la rencontre avec Jean-Pierre Garnier
Le 3 juin dernier, nous avons eu le plaisir d’accueillir Jean-Pierre Garnier pour une rencontre/débat autour des questions d’urbanisme. Cette rencontre fut avant tout l’occasion de discuter et disséquer avec l’auteur du livre Une violence éminemment contemporaine… le phénomène urbain pictave « Cœur d’agglo ». Nous vous proposons ici une retranscription partielle de cette rencontre. La version audio est également disponible ici.
Quand il est question d’urbanisme, on utilise un langage qui ressemble beaucoup à un jargon et donne l’impression qu’il s’agit là de problèmes réservés à des experts, des spécialistes, et que la majeure partie de la population ne pourrait pas comprendre de quoi il est question. Cela est à mon avis est un pur bluff idéologique. Ce qui se passe dans les villes en France – et ailleurs, mais on va s’intéresser particulièrement à la transformation des villes françaises – est parfaitement compréhensible du point de vue politique sans utiliser ce jargon destiné à intimider, et finalement à réserver à des spécialistes le discours sur les transformations urbaines. Quand je dis spécialistes, c’est non seulement des enseignants, des chercheurs, des architectes, des urbanistes, mais aussi des élus locaux, des politiciens et des journalistes spécialisés.
J’ai fait un tour, juste avant ce débat, dans le centre de Poitiers, qui est en pleine « mutation urbaine » – et j’utilise déjà, en employant cette expression – un langage volontairement spécialisé. Dans les milieux qui interviennent sur l’espace urbain, on parle beaucoup de « mutation urbaine » pour qualifier les transformations actuelles qui affectent les villes, alors que le mot « mutation » est un concept qui vient de la biologie. Appliquer ce terme aux villes donne l’impression qu’il s’agit de phénomènes naturels, quasi irréversibles, qu’on ne peut pas discuter. Certains élus locaux disent : « On transforme les villes parce qu’il faut s’adapter aux mutations actuelles de la société en général, et que ces mutations doivent se traduire dans l’espace. » Parmi ces transformations, il y en a qui portent sur le centre des agglomérations, appelé le « cœur des villes ». Là aussi, le mot « cœur » est extrêmement douteux dans la mesure où cela connote quelque chose d’affectif ; quand on dit cœur, on pense à des sentiments, à l’identité des habitants, etc. En fait, il s’agit de transformer les parties centrales des agglomérations, notamment les centres historiques. Dans quel sens ? Ce que j’ai pu entrevoir, au cours de ma courte promenade dans le centre de Poitiers, c’est ce que l’on peut observer depuis maintenant une trentaine d’années dans la plupart des centres-villes français – mais pas seulement : on l’observe aussi dans le centre des villes espagnoles, anglaises, allemandes, voire de certaines villes américaines ou portugaises… Il s’agit à la fois d’une transformation physique, spatiale, matérielle et d’une transformation sociale.
La transformation spatiale est désignée dans le langage appelé (à l’extrême gauche, disons) la novlangue : à savoir ce langage du pouvoir, qui est destiné à valoriser ce qu’il se passe, ainsi qu’à masquer les enjeux réels et la logique de classe qui est derrière, par différentes appellations. Quand on parle de « transformation en cours dans les centres », on parle de restructuration, de rénovation, de réhabilitation, de renouvellement urbain, de revitalisation, de régénération. Tous ces mots-là se rencontrent dans les discours aussi bien des élus locaux que des spécialistes, des experts, des journalistes, etc.
Physiquement, il y a en effet transformation. Mais qu’est-ce qui se cache derrière ?
C’est une dynamique qui tend – et réussit, il faut le dire – à transformer des cœurs de ville délaissés, abandonnés pendant très longtemps (les gens plus jeunes n’ont pas connu ça) parce que considérés comme correspondant à des périodes révolues. On les a laissés se dégrader, tomber parfois en ruine, parce qu’il y a eu une époque – qui a duré jusqu’au début des années 70 – où la modernisation de la France passait par la modernisation des villes.
Il y avait alors deux phénomènes : on construisait à l’extérieur des centres-villes, et on détruisait à l’intérieur des centres-villes. On détruisait par exemple ce qu’on désignait comme des « îlots insalubres », un habitat dégradé : il fallait moderniser tout cela en y implantant des édifices nouveaux – en général flambants neuf, de style rectangulaire ou carré, avec des nouveaux matériaux. Et la doctrine était un peu, si je peux adapter ici une parole de L’Internationale : « Du passé, urbain, faisons table rase ». Moderniser la ville, ça voulait dire y faire pénétrer plus facilement l’automobile, y mettre des bâtiments adaptés à des fonctions nouvelles… donc on ne se préoccupait pas du tout du tissu urbain ancien. Mais à partir des années 70, avec l’arrivée de Giscard d’Estaing à la présidence de la République, on a changé complètement de cap en France : la mode a été de régénérer, revitaliser, conserver, réhabiliter, rénover, les centres anciens. Et ce pour deux raisons.
La raison officielle était : « Il y a un patrimoine à préserver afin de consolider ou de renforcer l’identité des villes », parce qu’on s’apercevait que l’architecture dite moderne était complètement stéréotypée, standardisée. Elle ne permettait pas de distinguer les villes les unes des autres, alors que les habitants avaient besoin de retrouver leurs racines, de s’approprier ou se réapproprier leur ville en exhumant du passé et en restaurant, en consolidant… ces traces du passé. « Il faut retrouver un urbanisme à la française », « Il faut rompre avec cet urbanisme importé des Etats-Unis, anonyme, où l’on retrouve les mêmes édifices partout, les mêmes supermarchés, autoroutes, parkings… ». Il fallait au contraire restaurer le passé, pour regarder vers l’avenir avec une France qui devait être fière de son passé – mais, ce discours, on le retrouvait aussi en Italie, en Espagne… Bref, plutôt que de faire table table rase du tissu urbain ancien, on a au contraire essayé de le restaurer.,
Mais la véritable raison était tout autre : il s’agissait de chasser vers la périphérie les couches populaires qui habitaient au centre-ville, pour y faire venir principalement des cadres, des classes moyennes aisées… Avant, quand on voulait se débarrasser des vieux quartiers des centres-villes (pas ceux classés monuments historiques et utiles pour faire venir des touristes et donc enrichir la ville), c’était pour les remplacer par des « immeubles de standing », des équipements commerciaux modernes. Pour faire ces « immeubles de standing », on a détruit en France dans les années 50 et 60 plus de centres-villes que les bombardements américains pendant la guerre (qui en ont pourtant détruits pas mal : au Havre, à Brest, Lorient, Royan…).
A partir des années 70 donc, changement radical : on cherche à réhabiliter en parlant de « patrimoine », et à valoriser (traduire « faire du fric ») en multipliant les investissements dans les anciens quartiers populaires, afin qu’ils accueillent désormais des classes moyennes aisées, en général cultivées et appréciant beaucoup l’ambiance des centres-villes (notamment ceux qui renvoient à un passé historique prestigieux).
Ces opérations sont soit réalisées, soit en cours. Je l’ai ainsi vu à Poitiers, où on s’amuse à « piétonniser » les places, à y planter des arbres et y mettre de nouveaux lampadaires (fréquemment de style rétro), à donner la priorité aux espaces publics qui accueilliront des manifestations diverses mais généralement culturelles et festives. Tout cela permet d’augmenter le prix des loyers et des ventes d’appartements pour tous les immeubles bordant ces espaces publics réhabilités – et a pour conséquence de chasser des centres les classes populaires. C’est une logique que l’on retrouve partout : aussi bien à Paris dans les arrondissments du 19e et du 20e, qui sont des quartiers prolétaires traditionnels, qu’au centre de Grenoble, de Toulouse, de Lille… Aujourd’hui, le centre de Lille est réservé à des gens qui, par leurs salaires et revenus réguliers, peuvent « se payer » le centre, tandis que les employés, sans parler des gens au chômage, sont expulsés vers la périphérie.
Ce qui se passe à la périphérie des villes doit être mis en rapport avec ce qui se passe au centre.
La principale dynamique menée vise à délocaliser en périphérie les activités non rentables ou peu rentables ainsi que les populations dites non solvables, afin de réserver à une élite l’accès à la centralité urbaine. Et cette politique est la même que la municipalité soit de gauche (institutionnelle) ou de droite.
La seule ville qui échappe actuellement à ce phénomène en France, mais ce n’est qu’une question de temps, c’est Marseille : on note encore dans son centre-ville une présence dominante des classes populaires (ouvriers et employés, avec en plus une forte population d’origine immigrée pour l’essentiel de la deuxième et la troisième génération), malgré toutes les manœuvres de la municipalité de droite actuelle, avec Jean-Claude Gaudin. Pourquoi cette exception marseillaise ? Tout simplement parce que les bourgeois marseillais ont peur d’habiter au centre : ils trouvent que c’est dégradé, dangereux ; ils ont leurs beaux quartiers au sud de Marseille, ou alors en périphérie (dans les collines aixoises par exemple), alors ils ne voient pas pourquoi ils iraient dans le centre. C’est donc la réticence des classes aisées à venir habiter dans le centre de Marseille qui explique l’insuccès des politiques dites de réhabilitation concernant son centre-ville – contrairement aux autres villes.
Aux Etats-Unis, on parle sans euphémisme de « nettoyer les centres-villes ». C’est non seulement un simple nettoyage physique, mais aussi un nettoyage social : on déloge toutes les populations pauvres. En France, une certaine « tradition de gauche » fait que, même lorsque l’on mène une politique de droite, on ne peut pas utiliser des termes trop crus pour la désigner ; alors on ne parle pas de « nettoyage », mais de « mixité sociale », il faut mélanger des riches avec des pauvres. D’ailleurs on ne dit pas « riches » et « pauvres » : dans le langage officiel, on parle pour les pauvres de « catégories modestes », « populations vulnérables », « couches défavorisées » – et pas du tout de « prolétaires », « classe dominée », « classe exploité »e.. : ça c’est du langage marxisant, extrémiste. Bref, on utilise toujours des euphémismes pour atténuer la violence des rapports sociaux, qui existent sur les lieux de travail mais aussi sur les lieux d’habitation.
Le capitalisme s’est transformé : on n’est plus à l’ère industrielle classique, le capitalisme s’est technologisé, financiarisé, flexibilisé… Son inscription dans l’espace n’est de fait plus la même : si l’idée est toujours de dominer l’espace urbain, ses impératifs ont changé et sa logique n’est plus la même. La finalité principale de la « reconquête des centres-villes » (une expression peu souvent utilisée parce que « conquête » implique affrontement, ennemis, c’est un terme trop belliqueux alors qu’il n’y a officiellement pas d’ennemis), c’est la « métropolisation ». Autrement dit, la tendance lourde et dominante à la concentration, dans quelques villes, des activités décisionnelles, de commandement, de direction : sièges sociaux, quartiers généraux des firmes (ou de leurs succursales, avec les services correspondants). En termes techniques, on qualifie de « polarisation spatiale » cette concentration dans certains pôles urbains des activités décisives et fondamentales pour le fonctionnement du système capitaliste. Et, à cette fin, les villes sont triées sur le volet : peut d’entre elles peuvent le faire. C’est donc la course, la concurrence, la compétition entre les villes pour attirer les sièges sociaux, les promoteurs, les patrons de firmes, et ce qui va avec : laboratoires, centres de recherche, toutes ces activités sur lesquelles repose la logique du capitalisme.
Il faut que les villes soient accueillantes pour ces activités-là. Mais le problème, à l’heure actuelle, c’est que la ville au sens classique du terme (la commune) n’est plus assez grande pour accueillir toutes ces activités. Il faut donc l’élargir : alors qu’avant on pouvait caser tout ça en centre-ville, ce n’est plus possible, et la politique urbaine est de ce fait envisagée au niveau de l’agglomération – c’est-à-dire de la ville-centre (la ville principale) et de ses communes proches (les banlieues). Et on essaie même maintenant de capter aussi dans cette « métropole » certaines zones rurales en les urbanisant, certaines petites villes éloignées pouvant ainsi accueillir les nouvelles populations… Il existe, on le voit donc dans les sociétés capitalistes tant une division sociale du travail qu’une division sociale urbaine.
Mais certaines activités importantes pour les capitalistes ne peuvent être mises au centre des villes et doivent être installées dans sa périphérie immédiate. Par exemple les centres de recherche, laboratoires, industries de pointe, universités, grandes écoles… On crée des campus, ce qu’on appelle des « pôles de compétitivité » et qui permettent la jonction entre la recherche, l’enseignement supérieur et l’industrie dite « innovante », et c’est ça qui forme les « noyaux » de la métropolisation.
Dans les années 80, on appelait « technopoles » ces villes qui accueillaient à la fois des étudiants, des ingénieurs, des cadres et des enseignants. Les technopoles, très en vogue, étaient ces villes dont la dynamique reposait sur la « synergie », la « combinaison », l’« interaction » de l’enseignement, la recherche et l’industrie de pointe., l’objectif étant la combinaison de ces trois éléments en un même lieu.
Si les maires font tous la même politique, c’est qu’ils sont tous soumis à la même logique, celle qui régit tous les rapports sociaux dans toutes les sociétés capitalistes. Et cette logique a été résumée par une formule qui avait été inscrite dans le projet de traité constitutionnel européen refusé par 54 % des votants : la « concurrence libre et non faussée ». Cette formulation, on la doit au staff du père spirituel de cette Constitution : VGE, qui continue à 81 ans de sévir comme idéologue du libéralisme avancé, la « concurrence libre et non faussée » s’appliquant aux individus, aux entreprises, dans tous les domaines…
On note également une compétition entre villes pour accéder au rang de métropole, et la logique est effectivement la même dans toutes les villes : il faut restructurer le centre de toutes les villes pour qu’il accueille les activités dites supérieures, « nobles », de commandement. Les activités subalternes, le commerce quotidien, le logement pour les couches populaires : tout ça, c’est en périphérie. Et le caractère élitiste de cette centralité urbaine se renforce, à travers la revitalisation du patrimoine (car la carte culturelle est importante maintenant : ce qui se vend bien, c’est le passé, la culture, donc il faut mettre en valeur tout ce qui renvoie à la culture, au passé, à l’histoire, aux grands faits d’armes…), et aussi par le recours à des architectes internationaux, des stars de l’architecture qui peuvent renforcer l’histoire de la ville quand on met en place un équipement nouveau. On a créé des départements ou des services spécialisés de marketing urbain, parce que, les villes étant en concurrence, il faut les vendre, comme on dit, aux investisseurs, aux universitaires, aux promoteurs… Et pour cela on fait appel à des architectes connus au plan national voire international. Par exemple, n’étant pas des spécialistes, vous ne connaissez peut-être pas l’architecte en chef chargé de réhabiliter le centre de Poitiers ; mais nous on le connaît très bien, c’est une des stars de l’architecture française : Yves Lion. Il réalise aussi bien des opérations architecturales ou des immeubles à Dubaï ou Shanghaï qu’à Poitiers, dont il aménage le « cœur ».
La place d'armes old school, bien avant Yves Lion
Le qualificatif qui revient le plus souvent dans les discours, concernant cette politique d’« élitisation » du centre-ville, c’est «haut».
Primo, on attire des activités de « haute » technologie, innovantes (ça peut être des nanotechnologies, des microtechnologies, informatique, agro-business…).
Deuxio, on vise la population à « haut » revenu – ainsi que celle à haute qualification, majoritairement des bac + 5 ou 6, donc pas de la « main-d’œuvre » mais de la « matière grise », d’après le jargon de la technocratie aménageuse. Pour attirer de la main-d’œuvre hautement qualifiée et à haut revenu, il faut – car ils aiment se distraire et se montrer – des équipements haut de gamme : opéra, palais des congrès, médiathèques… C’est ça la priorité.
Tertio, et conformément à l’idéologie dominante de l’écologisme où il faut tout verdir, le dernier « haut » en matière d’aménagement et d’urbanisme, c’est le HQE, la « haute qualité environnementale ». L’objectif est en effet aujourd’hui de faire du capitalisme durable grâce à toute une série d’aménagements. Les capitalistes américains appellent ça le « greenwashing » – le lavage vert du capitalisme, pour que celui-ci soit mieux accepté, et qu’en limitant la pollution on puisse le faire durer plus longtemps. Mais on sait bien que les accords de Kyoto c’est du bidon : la pollution augmente, et aucun des objectifs de la conférence de Rio n’est rempli. Copenhague, le « Grenelle de l’environnement », tout ça c’est du pipeau…
Toujours est-il que haute technologie, haute qualification, hauts revenus, équipement haut de gamme et HQE sont les cinq piliers de la sagesse de l’urbanisme en France [la rédaction de L’Epine noire vous renvoie à un sixième haut : celui des bus à haut niveau de service, cf. l’article dans ce numéro].
Je parlais tout à l’heure de la novlangue… Il faut voir le discours présenté sur les panneaux, présentant l’avenir sinon radieux, du moins riant de Poitiers. Ce discours, on le retrouve partout : l’harmonie, l’équilibre, la végétalisation de l’espace urbain, tout y est ! On a l’impression d’une disneylisation permanente de l’espace urbain.
A Dijon, où je me suis récemment rendu, le maire socialiste, qui est écolo et conseiller de Ségolène Royal, est pour une « écométropole ». A Brest, municipalité PS, on s’appelle la métropole Brest-BMO « Brest métropole océane ». Tout est verdi, dans le pur style de la « novlangue » : on change le langage pour changer l’état d’esprit des gens et faire dire aux mots le contraire de ce qu’ils signifient. De la même façon qu’il n’y a plus de guerre mais des « opérations de police internationales », plus de bombardements, mais des « frappes », en matière d’urbanisme le langage utilisé vise non seulement à masquer la réalité mais aussi à la faire apparaître sympathique et bénéfique pour la population. C’est un langage stéréotypé, et le vocabulaire de ces gens est très limité.
Vous pouvez retrouver le petit lexique « techno-métro-politain » de Jean-Pierre Garnier ici
Posted: janvier 21st, 2012 | Author: Epine noire | Filed under: (anti-)industrie, technologies, Éducation - partage des savoirs, élites, patrons & gouvernants, Poitiers | 1 Comment »
«C’est la vie la concurrence. Je vais même vous dire mieux, moi, j’ai la concurrence qui coule dans mes veines.»
Nicolas Sarkozy, au JT 20h de TF1 le 4/09/05
«Les individus ne constituent une classe que pour autant qu’ils ont à soutenir une lutte commune contre une autre
classe ; pour le reste ils s’affrontent dans la concurrence.»
Karl Marx, L’idéologie allemande.
La concurrence c’est la guerre, le profit c’est le butin
Le capitalisme, de part son fonctionnement propre a besoin de conquêtes d’espaces (ce qu’il appelle « marché ») divers et variés pour perpétuer les profits engrangés par quelques uns. Sans rentrer dans l’explication marxiste des phases du capitalisme et ses contradictions internes, chacun peut constater qu’aujourd’hui, le capital a besoin (du moins dans les pays dits développés) de moins de bras pour produire des biens. De plus, le capital s’est en grande partie financiarisé et dématérialisé à l’image des paradis fiscaux ou des spéculations boursières. L’ère de l’industrialisation est révolue au grand dam des productivistes (cf. discours sur le ré-industrialisation du territoire).Les communautés de vie ouvrière et/ou prolétarienne se sont disloquées face à l’offensive du capital et de sa bourgeoisie.
Cette offensive libérale capitaliste est basée sur un principe de base, plus précisément une idée-force qu’est la concurrence entre les travailleurs, au sein même ,et entre, les communautés de vie : c’est, d’après la doxa libérale, un des gage pour le « progrès » humain. Ce qu’il faut comprendre par : c’est comme cela que les décideurs et capitalistes vont se faire des sous ! Alors tant bien que mal on masque ce mot avec d’autres : compétition, émulation… Ce principe de concurrence, on nous l’apprend de l’enfance (écoles, activités sportives ou musicales etc..) à l’âge adulte : il faut être le premier.
Il régit un grand nombre d’activités économiques et sociales aujourd’hui. Etre le premier à produire en masse et à moindre coût n’est pas quelque chose de nouveau pour les tenants du capital (on l’a bien vu avec le taylorisme). C’est la base même de la guerre économique que [se] mènent les patrons à travers le monde.
Poitiers dans la stratégie de Lisbonne
Ainsi, des efforts sont effectués pour capter, concentrer, mobiliser ; toutes les forces productives en présence, comme dirait Marx. Dans une ville comme Poitiers (et son agglomération) qui a un bassin industriel peu conséquent contrairement au secteur tertiaire : les plus grands employeurs dans l’agglomération sont ceux de la fonction publique (Hôpital / Université..) et les activités du tertiaire (tissu associatif et culturel fort, services, commerce, transports…). C’est avec cette réalité économique et sociale que la ville de Poitiers avec son projet Coeur d’Agglo tente de s’inscrire. En réalité c’est une stratégie qui a eu lieu il y a bientôt plus de dix ans (en 2000, en pleine bulle d’Internet et du mythe de la « Nouvelle Economie ») et qui s’est mise en place au niveau européen : c’est ce que le les technocrates européens ont appelé la stratégie de Lisbonne.
En quoi consistait cette stratégie ? C’était, selon les dires du Conseil Européen, de faire de l’Union Européenne, « l’économie de la connaissance [1] la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ».[2]
Force est de constater que ce fut partiellement un échec (surtout en matière de création d’emplois…certains s’en plaindront pas..). D’ailleurs, dès 2005, certains Etats membres vont faire marche arrière en considérant qu’il y a très peu de perspectives communes étant donné les décalages des mises en application de cette stratégie entre les dits Etats membres. En somme chacun pour sa peau et puis, ce sont les multinationales qui décident, mécontentes du vote des français et hollandais contre le projet de la constitution de la « concurrence libre et non faussée ».
Néanmoins, des politiques volontaristes, de soutien aux industries de pointes par exemple, ont été effectués dans ce sens (où l’on a vu plusieurs multinationales profiter des deniers publics de collectivités pour pouvoir s’implanter ou même être exonérées d’impôts). Mais c’est aussi et surtout une vague de privatisation et marchandisation (engagée par les socialistes..) tous azimuts des services qui s’est abattue sur de nombreux pays dans des secteurs qui tant bien que mal étaient sous le regard public (gaz, électricité, éducation, poste, télécoms transports etc..). Et, il y a eu un des axe majeur qui a été le soutien aux industries ayant un besoin de connaissances pour la recherche fondamentale et/ou appliquée afin de la mettre en valeur. Sur le credo schumpetérien que toute innovation apporte le bonheur aux être humains, on a mis en place de pôles de compétitivité ou d’excellence (par exemple le Biopole sur le Campus universitaire). De plus, à ce propos la Région Poitou-Charentes souhaite devenir une région moteur de la recherche-développement dans ce qu’on appelle énergie « verte ». On voit bien la supercherie, sous la couche de peinture verte, c’est toujours le capital qui exhorte à sauver (sic) à sauver la planète, avec ses industries « vertes », voitures « vertes », extension et concentration de plus en plus grande de supermarchés biologiques qui coexistent avec la centrale nucléaire de Civaux : c’est le « greenwashing ». [3]
Faire de Poitiers une ville de cadres dynamiques, entendre par là, utiles à l’agglomération. Et Poitiers est comme de nombreuses villes un cas : une ville « formant » énormément de jeunes ou moins jeunes (Université, Ecoles de commerces et d’ingénierie, formations annexes au sein du programme GRUNDVTIG, CNED, etc.) qui ont, de plus en plus recours aux nouvelles technologies de l’information et de communication (télécommunications, logiciels, informatique, Internet…etc.) contribuant donc à diffuser des savoirs et de la connaissance. Toutefois, un grand nombre de poitevins doivent quitter la région car il y a très peu de débouchés. Ainsi, c’est une manne de savoirs et de connaissances échappent à la ville. Pour y remédier, la stratégie propose de miser sur la commercialisation de ces savoirs et ces connaissances.
Luttes contre « l‘utilité » et le processus de « raréfaction des savoirs »
Il n’y a pas de hasard dans la politique globale de la ville de Poitiers entre les pôles de compétitivité axés autour d’une spécialisation dans les industries des connaissances et le Projet de Coeur d’agglo, il a y continuité, résonance même. Lisser la ville et ses habitants et ce, dès les bancs de l’école. On l’a récemment vu à chaque mouvement dans les lycées ou bien dans les universités (contre la LRU et la réforme de la « mastérisation »). Mouvements opposés (mais pas seulement) au processus de Bologne, qui sous couvert d’ouverture de « l’espace universitaire européen » applique une politique basée sur l’utilité et la non-utilité des individus et des connaissances.
Ces luttes étudiantes ont mis en lumière le fait que le monde qui leur est destiné est celui qui fait la distinction entre la connaissance reconnue et celle non reconnue par les marchés (on pourrait aller plus loin en disant culture dominante contre culture populaire). Grosso modo, ce qui se joue c’est l’avenir d’un monde qui considère ce qui est bon ou pas à comprendre, à saisir pour ces futures générations et qui est prêt donc à raréfier des connaissances et des savoirs qui échappent de fait à une emprise totale du capital. C’est aussi une critique contre toute notion de capital humain, contre une vision utilitariste et asservissante des connaissances par les puissants, contre une éducation de marché. Contre un système scolaire qui oppose sciences humaines et sciences dures. A cet égard ça n’est pas anodin que ce soit les filières de sciences humaines qui soient en pointe des agitations universitaires. Pas anodin non plus qu’il y ait de plus en plus de lycéens ou mêmes d’étudiants dans des filières scientifiques : ce monde est forgé pour eux. Il suffit qu’un imprimeur et son fils balancent un exercice du Bac S sur un forum sur Internet pour qu’il y ait «affaire d’Etat» – des parents d’élèves paniquent, un ministre d’Etat s’explique et le Tribunal Administratif saisi. Panique tellement bourgeoise qu’elle a été sans pitié avec celles et ceux qui ont refusé de plancher pour leur BTS !
Pour eux, pas d’aménagement, ils vont plancher Monsieur !
[1]Rapport sur http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http://ec.europa.eu/growthandjobs/pdf/kok_report_fr.pdf
[2]Quelques personnes se sont penchés sur cet aspect immatériel du capital. On peut noter quelques théoriciens -proche
du philosophe italien Antonio Negri- de la revue Multitudes, appelé cela capitalisme cognitif . http://multitudes.samizdat.
net/ )
[3] Voir article du Monde Diplomatique Aout 2011 , « Dans le laboratoire de l’écolo-bourgeoisie »
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