Posted: décembre 28th, 2012 | Author: Epine noire | Filed under: Alentours, élites, patrons & gouvernants, Environnement et écologie, Urbanisme/aménagements du territoire | Commentaires fermés sur Availles s’envoie en l’air
La Vienne n’est pas la Loire-Atlantique, nous n’avons pas Ayrault, nous avons Bertaud, nous n’aurons pas Notre-Dame-des-Landes, mais on nous promet un village aéronautique à Availles-Limouzine avec une nouvelle piste de décollage (et d’atterrissage !). Ça ne rivalise pas avec l’ampleur du projet de NDDL (cf. #NDDL p.12), mais pourquoi la résistance, elle, ne s’en inspirerait-elle pas ?
C’est quoi un village aéronautique? C’est un concept. C’est à la mode, les concepts. C’est un concept qui vient des Etats-Unis. Tous les habitants du village ont un avion, toutes les maisons ont un garage à avion, tous les garages sont reliés par des minipistes à une piste principale permettant l’envol. Avantages : un gain énorme de temps pour ces gens pressés et passionnés de vol et, surtout, vous ne risquez pas d’avoir pour voisin un quelconque minable ne possédant qu’une voiture ! Il en existe des centaines aux États-Unis et une petite dizaine en France, dont bientôt un à … Availles-Limouzine. Il y a déjà là une petite piste de 600 mètres en herbe qui va être agrandie à 1100 m, et le projet prévoit d’en construire une autre, bétonnée cette fois, de 1000 m également. Ajoutez à cela que chaque parcelle bâtie aura un demi-hectare de surface et qu’il y en aura 42, et vous comprendrez quelle jolie étendue sera encore bétonnée et offerte à un promoteur. La communauté de communes a déboursé 20 000 euros par hectare pour acheter des terrains supplémentaires à d’heureux propriétaires qui ont « accepté » de vendre, comme ils disent.
Le promoteur, c’est « Green (évidemment !) Airpark » [1], dont le président, Marc Pollin, a réussi à se mettre les élus dans la poche : le président du conseil général Claude Bertaud, son vice-président Roland Debiais, le président de la communauté de communes du Montmorillonnais Yves Boulou, le maire de la commune Joël Faugeroux, et… bien sûr, le représentant de l’Etat, le préfet de région. Tous ces grands humanistes frétillent comme des gardons ! Pensez ! Les investissements prévus seront intégralement financés par des fonds privés! (c’est le même argument qu’avance Ayrault pour Notre-Dame-des-Landes). Debiais n’y va pas par quatre chemins : « C’est un excellent moyen de faire venir de nouvelles familles » ! Des nouvelles familles possédant un avion, s’entend ! Pas n’importe quel « RSAiste » ou pouilleux venu de la ville pour vivre moins mal.
Un choix de société, en somme !
Le maire d’Availles se frotte les pognes en pensant aux recettes fiscales… « Ce sont des clients qui ont les moyens de dépenser », s’esbaudit Joël Faugeroux (socialiste), estimant à 100 000 euros par an la recette fiscale attendue. C’est évidemment mieux que de prévoir des logements sociaux pour des smicards! (Les heureux propriétaires devront s’acquitter de 1200 euros de charges par an pour la copropriété, l’entretien des pistes, de la station-service, etc. Ça sera certainement davantage, mais, rassurez-vous, ils en ont les moyens.) Pour l’instant, pourtant, ça ne décolle guère ! Quatre acheteurs seulement sur les 42 lots.
Curieusement, personne ou presque ne parle d’emplois créés. Mais ça va venir. Un pompiste pour remplir les zincs, des ex-ouvrières d’Aubade pour faire le ménage chez ces braves gens, et certainement quelques postes de gardiennage-vigiles. Mais aussi, soyons-en certains, tout un dispositif de protection. Rendez-vous compte, une zone protégée réservée aux riches et arrachée aux pauvres, ça peut donner des idées malveillantes comme on en voit, hélas, trop un peu partout ! Désherbants et inscriptions sur la piste d’atterrissage, fusées éclairantes en pleine nuit, manifestations diverses d’hostilité, les exemples ne manquent pas, ici et là, d’actes qui ne sont que la manifestation d’une jalousie de frustrés vis-à-vis de ceux qui réussissent… mais que nous ne verrions pas, quant à nous, d’un mauvais oeil !
Plus il y a de pauvres plus il y a de riches, selon le principe bien connu des vases communicants. C’est en surfant sur ce principe que nos édiles peuvent maintenant se réjouir de tels projets. Après que la région s’est vidée peu à peu de ses petits agriculteurs, que les boîtes ont fermé une à une et que le taux de chômage a grimpé régulièrement, il y a toujours la possibilité de faire venir les riches sous forme de touristes les plus huppés ou de transformer la région en grande aire de loisirs. Exploités pendant des années, les ouvriers et ouvrières des petites entreprises du Sud-Vienne ne rapportaient plus assez. Il était temps de changer le fusil d’épaule en investissant dans le tourisme… mais pas n’importe lequel, à échelle humaine et écologique, bien entendu : « J’apprécie le côté traditionnel de la campagne et l’aspect moderne et écologique des maisons qui seront construites, explique un pinardier londonien. Quand je viens en France, je prends un avion, et maintenant je pourrai amener ma famille ici. » C’est beau, non ? En gros, transformer le département en un grand terrain de jeu pour riches et de loisirs pour classes moyennes urbaines.
C’est dans cet esprit que se prépare un autre projet à l’horizon 2015, près de Loudun, un projet raffarinesque soutenu par Ségolène Royal. Selon le conseil général de la Vienne, Center Parcs sera le deuxième poumon économique de la Vienne (le premier étant bien entendu le Futuroscope). Pas moins de 800 cottages et de 20 maisons dans les arbres, sur 264 hectares. Un projet offert sur un plateau au groupe leader en Europe « Pierre et Vacances », ce promoteur d’un tourisme bobo et haut de gamme qui se contentera de payer un loyer, tandis que la société d’économie mixte créée par le département s’endettera à hauteur de 68 millions d’euros sur vingt ans et que la Région se délestera de 13 millions. Evidemment, l’objectif avancé est l’emploi… Il est prévu le chiffre de 1 000 emplois pendant la période des travaux et de 600 en période d’exploitation (dont 80% de CDI). C’est à qui, parmi les élus et les décideurs, en rajoutera dans une euphorie démagogique. Or, nous savons bien qu’il n’en sera rien et que, lorsque le résultat sera palpable, on aura oublié les promesses et on constatera que la réalisation a coûté, comme d’habitude, plus cher que prévu. Mais, de toutes les façons, quels emplois ? Maintenance, ménage, restauration, accueil, autrement dit des emplois non seulement mal payés mais qui transforment les locaux en « domestiques » pour classes moyennes et supérieures. C’est sans doute ce que les socialistes appellent prendre dans la poche des riches pour donner aux pauvres !
Après la Planète aux crocodiles, l’Ile aux serpents et la Vallée des singes, il serait de bon goût, et certainement lucratif, de construire un « Rural Parc » (ou Bouseux Parc) où l’on reconstituerait la belle vie d’antan avec de réels autochtones sans emploi et ravis de ce revival à destination d’urbains métropolisés, exploités et bien sûr stressés, et à qui il serait nécessaire d’offrir de petite plages de décompression.
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[1] Quelle est cette société ? Une SAS au capital de 12 000 euros, créée en avril 2011, classée comme « activité des économistes de la construction », ne comportant pas de salarié, et dont le siège est à Availles sur l’aérodrome. C’est une société qui ne publie pas ses bilans. Son président Marc-Daniel Pollin est gérant également d’une autre société, Aeroprogress (qui siège aussi à Availles), créée en juin 2011 et dont l’objet social est l’achat et la vente de matériels aéronautique, avions, hélicoptères, pièces de rechange, et de l’entretien et la formation pour l’utilisation des matériels vendus.
Posted: décembre 24th, 2012 | Author: Epine noire | Filed under: élites, patrons & gouvernants, Poitiers, travail, chômage, économie, Université, Urbanisme/aménagements du territoire | Commentaires fermés sur Les petits calculs du « Grand Poitiers »
Alors que des représentants du MEDEF n’arrêtent pas de se plaindre de l’arrivée du PS au pouvoir, sous prétexte que la gôche n’aime pas les riches, que la gôche n’aime pas les entreprises, il est intéressant de jeter un œil au plan local d’urbanisme du Grand Poitiers, géré par la communauté de communes tenue par une majorité PS depuis des années. On peut d’ailleurs lire sur le site internet de la mairie de Poitiers que « Grand Poitiers a décroché la 1ère place des agglomérations de moins de 150 000 habitants au palmarès des villes d’affaires publié par le magazine l’Entreprise en 2009 dans l’accompagnement à la création d’entreprise ». Belle preuve de la haine «socialiste» du monde de l’entreprise et de l’intoxication médiatique du MEDEF.
Une plaquette de présentation du « Grand Poitiers » de huit pages destinée aux entrepreneurs, intitulée « Comment Grand Poitiers fait grandir votre entreprise ? », dévoile un certain nombre de stratégies de ce projet.
De la fierté de l’industrie militaire
Cette plaquette invite les entrepreneurs à rejoindre les rangs des réussites « made in Poitiers » au nom de la stimulation de la créativité. La réussite « made in Poitiers », voilà une affirmation qui invite à la réflexion. De quelle production du terroir Poitiers peut-il diable se vanter ? La réponse est fournie avec la plaquette, à travers quelques exemples.
« Sagem (groupe Safran) [qui] applique l’optronique [1] à la défense nationale ». En d’autres termes, des lunettes de tir infrarouge et à intensification lumineuse, des lunettes pour des tirs de précision qui équipent des Famas, les jumelles infrarouges multifonctions [2] et la caméra du casque sont toutes fabriquées à Saint-Benoit ;
« Dassault produit les verrières des avions militaires », ce qui avait d’ailleurs permis au Président de l’UMP de la Vienne et conseiller régional, Olivier Chartier, de se réjouir en février dernier du projet d’achat par l’Inde de 126 avions Rafale : « Dans un contexte économique très difficile, l’annonce par l’Inde de négociations exclusives avec l’avionneur français « Dassault » est non seulement une très bonne nouvelle pour l’emploi en France mais aussi pour l’emploi dans la Vienne puisqu’une partie de ce fabuleux « chasseur » est produite sur le site de Biard. [3] »;
« Saft développe sa stratégie dans le domaine des batteries au lithium pour l’aérospatiale », mais aussi dans l’armement pour la conception de missiles…
Toutes ces entreprises de mort sont la gloire de « l’incubateur régional » : le technopôle de renommée mondiale du Futuroscope!
Après le dynamisme régional mis en avant lors de la construction du centre pénitentiaire de Vivonne, voilà ce qui doit faire sans vergogne la fierté de l’économie poitevine: l’industrie militaire. Nous voilà donc bien embarqué.
Le tout en faisant la promotion du rapprochement entre université et monde de l’entreprise : « Le territoire compte une Université dont le prestige est un facteur prépondérant d’attractivité du territoire. Les collaborations avec l’Université et l’Incubateur Régional Etincel ont été sources de rapprochements avec les milieux économiques et génératrices d’activités nouvelles et innovantes ».
Créer et accumuler de la valeur par la créativité
Lieu d’innovation par essence (notamment à travers la recherche), voici ainsi venir l’université au service de l’entreprise, ou de manière concrète et en actes, l’application de ce qui fut dénoncé lors des derniers mouvements universitaires, en particulier lors de ceux engagés contre la LRU (une loi qui était déjà défendue à l’époque par le député-maire Claeys).
L’objectif avoué de Grand Poitiers c’est de « créer de la richesse et développer l’emploi sur le territoire », en d’autres termes accumuler de la richesse selon les règles élémentaires du capitalisme, et cela à n’importe quel prix, même s’il faut en passer par la réalisation de grands projets inutiles et qui de plus sont des gouffres économiques tels que la LGV (voir l’article à ce sujet). Poitiers s’invite dans la compétition internationale entre métropoles : « Bénéficiant de nombreux axes de communication (réseau ferré Lille-Europe…), Grand Poitiers entend capitaliser sur sa situation géographique ainsi que sur l’excellence de ses formations pour attirer de nouveaux investissements ».
Sans surprise, la catégorie de population visée par ces investissements économiques pour le réaménagement urbain est la « classe créative et innovante » : nouveaux cadres, ingénieurs, artistes, bobos, …
Ce phénomène est basé sur une théorie partant du postulat que « la créativité est devenue la principale force motrice de la croissance et du développement des villes, des régions et des nations » [4]. Ainsi, pour retrouver une attractivité économique florissante les métropoles doivent devenir des « creative cities », et pour cela convaincre les acteurs de la « creative class » de s’y installer. Les groupes de population dit « non-créatifs » sont alors déplacés de leurs environnements familiers et des nouveaux groupes de citoyens « créatifs » sont importés pour servir de modèles. Chaque quartier peut donc être considéré comme une source potentielle de créativité qui doit être exploitée au maximum.
« La métropole d’avant-garde se doit de fournir à ses sujets économiques d’élites de bonnes conditions psychiques. Elle se charge de les choyer, de leur fournir des loisirs de luxe […] juste baigner dans un doux climat où l’on se sent branché, proches des innovations culturelles » [5]. La construction du TAP (Théatre auditorium de Poitiers), l’usage récurrent du vocabulaire appartenant au champ lexical de l’innovation participent de cette logique.
Le T.A.P, Théâtre Auditorium de Poitiers
Cette « classe créative » fait donc l’objet d’une attention toute particulière dans l’entreprise de promotion de la communauté de communes pour faire accepter ces différents projets tous reliés entre eux. Tous les moyens sont alors mis en œuvre en faveur de la métropolisation, aux dépens des zones rurales et agricoles, et des populations précaires de Poitiers et ses alentours.
Les passerelles sont évidentes entre ces différents projets. Cœur d’agglo, Grand Poitiers, LGV… participent à une même logique, un même esprit : l’urbain et l’humain au service de l’économie et du profit.
En plus d’un chantage à l’emploi en amont, on nous vendra par la suite les bienfaits de cette accumulation de richesses par son réinvestissement dans la création d’emplois comme le veut la théorie néolibérale du ruissellement (si tant est que celle-ci ne soit pas stockée dans des paradis fiscaux bien évidemment…).
Quoi qu’il en soit, les grands profits qui seront générés par tous ces chantiers ne profiteront pas directement aux travailleurs, cela va de soi, mais bien aux dirigeants et aux industriels, investis dans le capitalisme et premiers visés par les questions de mobilité, de concurrence et de compétition. Urbanisme et profits n’ont jamais fait aussi bon ménage qu’en ce moment. Ce que mettent en relief Grand Poitiers et les travaux de la LGV s’est avant tout la lutte contre l’immobilité. Celles et ceux ne disposant pas du capital nécessaire pour se mouvoir dans les espaces de flux sont progressivement marginalisés puis criminalisés (ces deux processus étant parfois simultanés). Gare à ceux qui ne peuvent être mobiles, (ou qui y sont contraints parce qu’on ne veut pas d’eux comme les Rroms), car leur place n’est pas dans le centre des villes post-industrielles. Ces centres qui voient disparaitre chaque jour un peu plus ce qui leur donnait de la vie, « faisait du lien », où l’on est de plus en plus contraint de faire dans les endroits réservés ce pour quoi ils ont été pensés et conçus.
Le « socialisme » au service du capital, c’est maintenant… Et c’est déjà engagé depuis de nombreuses années (que les patrons dorment tranquilles), malgré tout ce que pourra en dire le MEDEF…
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1. Technique permettant de mettre en œuvre des équipements ou des systèmes utilisant à la fois l’optique et l’électronique. Elle associe généralement un capteur optique, un système de traitement d’images, un système d’affichage ou de mémorisation. (Source : Wikipedia).
2. Signe de la militarisation des forces de l’ordre, les jumelles infrarouges multifonctions dernière version (nommées « Vigilens »), équipent désormais la police et la gendarmerie. Sur cette militarisation voir le chapitre de Mathieu Rigouste : « La guerre à l’intérieur : la militarisation du contrôle des quartiers populaires » dans le livre dirigé par Laurent Mucchielli : « La frénésie sécuritaire. Retour à l’ordre et nouveau contrôle social ».
3. La Nouvelle République, 3 février 2012
4. D’après les mots de Richard Florida sociologue/géographe/consultant urbain (la liste pourrait encore être longue) à la mode. On lui doit ces concepts de « creative class » et de « creative city ». Il est le grand théoricien des pratiques de ré-aménagements urbains contemporaines. Il a reçu à ce titre des milliers de dollars de la part de la ville de Montréal juste pour affirmer que la métropole québécoise est « un des secrets les mieux gardés d’Amérique du Nord ».
5. « Z », Numéro 4, Automne 2010. http://www.zite.fr/-Numero-4Nantes-Automne-2010176-
Posted: janvier 21st, 2012 | Author: Epine noire | Filed under: (anti-)industrie, technologies, Éducation - partage des savoirs, élites, patrons & gouvernants, Poitiers | 1 Comment »
«C’est la vie la concurrence. Je vais même vous dire mieux, moi, j’ai la concurrence qui coule dans mes veines.»
Nicolas Sarkozy, au JT 20h de TF1 le 4/09/05
«Les individus ne constituent une classe que pour autant qu’ils ont à soutenir une lutte commune contre une autre
classe ; pour le reste ils s’affrontent dans la concurrence.»
Karl Marx, L’idéologie allemande.
La concurrence c’est la guerre, le profit c’est le butin
Le capitalisme, de part son fonctionnement propre a besoin de conquêtes d’espaces (ce qu’il appelle « marché ») divers et variés pour perpétuer les profits engrangés par quelques uns. Sans rentrer dans l’explication marxiste des phases du capitalisme et ses contradictions internes, chacun peut constater qu’aujourd’hui, le capital a besoin (du moins dans les pays dits développés) de moins de bras pour produire des biens. De plus, le capital s’est en grande partie financiarisé et dématérialisé à l’image des paradis fiscaux ou des spéculations boursières. L’ère de l’industrialisation est révolue au grand dam des productivistes (cf. discours sur le ré-industrialisation du territoire).Les communautés de vie ouvrière et/ou prolétarienne se sont disloquées face à l’offensive du capital et de sa bourgeoisie.
Cette offensive libérale capitaliste est basée sur un principe de base, plus précisément une idée-force qu’est la concurrence entre les travailleurs, au sein même ,et entre, les communautés de vie : c’est, d’après la doxa libérale, un des gage pour le « progrès » humain. Ce qu’il faut comprendre par : c’est comme cela que les décideurs et capitalistes vont se faire des sous ! Alors tant bien que mal on masque ce mot avec d’autres : compétition, émulation… Ce principe de concurrence, on nous l’apprend de l’enfance (écoles, activités sportives ou musicales etc..) à l’âge adulte : il faut être le premier.
Il régit un grand nombre d’activités économiques et sociales aujourd’hui. Etre le premier à produire en masse et à moindre coût n’est pas quelque chose de nouveau pour les tenants du capital (on l’a bien vu avec le taylorisme). C’est la base même de la guerre économique que [se] mènent les patrons à travers le monde.
Poitiers dans la stratégie de Lisbonne
Ainsi, des efforts sont effectués pour capter, concentrer, mobiliser ; toutes les forces productives en présence, comme dirait Marx. Dans une ville comme Poitiers (et son agglomération) qui a un bassin industriel peu conséquent contrairement au secteur tertiaire : les plus grands employeurs dans l’agglomération sont ceux de la fonction publique (Hôpital / Université..) et les activités du tertiaire (tissu associatif et culturel fort, services, commerce, transports…). C’est avec cette réalité économique et sociale que la ville de Poitiers avec son projet Coeur d’Agglo tente de s’inscrire. En réalité c’est une stratégie qui a eu lieu il y a bientôt plus de dix ans (en 2000, en pleine bulle d’Internet et du mythe de la « Nouvelle Economie ») et qui s’est mise en place au niveau européen : c’est ce que le les technocrates européens ont appelé la stratégie de Lisbonne.
En quoi consistait cette stratégie ? C’était, selon les dires du Conseil Européen, de faire de l’Union Européenne, « l’économie de la connaissance [1] la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ».[2]
Force est de constater que ce fut partiellement un échec (surtout en matière de création d’emplois…certains s’en plaindront pas..). D’ailleurs, dès 2005, certains Etats membres vont faire marche arrière en considérant qu’il y a très peu de perspectives communes étant donné les décalages des mises en application de cette stratégie entre les dits Etats membres. En somme chacun pour sa peau et puis, ce sont les multinationales qui décident, mécontentes du vote des français et hollandais contre le projet de la constitution de la « concurrence libre et non faussée ».
Néanmoins, des politiques volontaristes, de soutien aux industries de pointes par exemple, ont été effectués dans ce sens (où l’on a vu plusieurs multinationales profiter des deniers publics de collectivités pour pouvoir s’implanter ou même être exonérées d’impôts). Mais c’est aussi et surtout une vague de privatisation et marchandisation (engagée par les socialistes..) tous azimuts des services qui s’est abattue sur de nombreux pays dans des secteurs qui tant bien que mal étaient sous le regard public (gaz, électricité, éducation, poste, télécoms transports etc..). Et, il y a eu un des axe majeur qui a été le soutien aux industries ayant un besoin de connaissances pour la recherche fondamentale et/ou appliquée afin de la mettre en valeur. Sur le credo schumpetérien que toute innovation apporte le bonheur aux être humains, on a mis en place de pôles de compétitivité ou d’excellence (par exemple le Biopole sur le Campus universitaire). De plus, à ce propos la Région Poitou-Charentes souhaite devenir une région moteur de la recherche-développement dans ce qu’on appelle énergie « verte ». On voit bien la supercherie, sous la couche de peinture verte, c’est toujours le capital qui exhorte à sauver (sic) à sauver la planète, avec ses industries « vertes », voitures « vertes », extension et concentration de plus en plus grande de supermarchés biologiques qui coexistent avec la centrale nucléaire de Civaux : c’est le « greenwashing ». [3]
Faire de Poitiers une ville de cadres dynamiques, entendre par là, utiles à l’agglomération. Et Poitiers est comme de nombreuses villes un cas : une ville « formant » énormément de jeunes ou moins jeunes (Université, Ecoles de commerces et d’ingénierie, formations annexes au sein du programme GRUNDVTIG, CNED, etc.) qui ont, de plus en plus recours aux nouvelles technologies de l’information et de communication (télécommunications, logiciels, informatique, Internet…etc.) contribuant donc à diffuser des savoirs et de la connaissance. Toutefois, un grand nombre de poitevins doivent quitter la région car il y a très peu de débouchés. Ainsi, c’est une manne de savoirs et de connaissances échappent à la ville. Pour y remédier, la stratégie propose de miser sur la commercialisation de ces savoirs et ces connaissances.
Luttes contre « l‘utilité » et le processus de « raréfaction des savoirs »
Il n’y a pas de hasard dans la politique globale de la ville de Poitiers entre les pôles de compétitivité axés autour d’une spécialisation dans les industries des connaissances et le Projet de Coeur d’agglo, il a y continuité, résonance même. Lisser la ville et ses habitants et ce, dès les bancs de l’école. On l’a récemment vu à chaque mouvement dans les lycées ou bien dans les universités (contre la LRU et la réforme de la « mastérisation »). Mouvements opposés (mais pas seulement) au processus de Bologne, qui sous couvert d’ouverture de « l’espace universitaire européen » applique une politique basée sur l’utilité et la non-utilité des individus et des connaissances.
Ces luttes étudiantes ont mis en lumière le fait que le monde qui leur est destiné est celui qui fait la distinction entre la connaissance reconnue et celle non reconnue par les marchés (on pourrait aller plus loin en disant culture dominante contre culture populaire). Grosso modo, ce qui se joue c’est l’avenir d’un monde qui considère ce qui est bon ou pas à comprendre, à saisir pour ces futures générations et qui est prêt donc à raréfier des connaissances et des savoirs qui échappent de fait à une emprise totale du capital. C’est aussi une critique contre toute notion de capital humain, contre une vision utilitariste et asservissante des connaissances par les puissants, contre une éducation de marché. Contre un système scolaire qui oppose sciences humaines et sciences dures. A cet égard ça n’est pas anodin que ce soit les filières de sciences humaines qui soient en pointe des agitations universitaires. Pas anodin non plus qu’il y ait de plus en plus de lycéens ou mêmes d’étudiants dans des filières scientifiques : ce monde est forgé pour eux. Il suffit qu’un imprimeur et son fils balancent un exercice du Bac S sur un forum sur Internet pour qu’il y ait «affaire d’Etat» – des parents d’élèves paniquent, un ministre d’Etat s’explique et le Tribunal Administratif saisi. Panique tellement bourgeoise qu’elle a été sans pitié avec celles et ceux qui ont refusé de plancher pour leur BTS !
Pour eux, pas d’aménagement, ils vont plancher Monsieur !
[1]Rapport sur http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http://ec.europa.eu/growthandjobs/pdf/kok_report_fr.pdf
[2]Quelques personnes se sont penchés sur cet aspect immatériel du capital. On peut noter quelques théoriciens -proche
du philosophe italien Antonio Negri- de la revue Multitudes, appelé cela capitalisme cognitif . http://multitudes.samizdat.
net/ )
[3] Voir article du Monde Diplomatique Aout 2011 , « Dans le laboratoire de l’écolo-bourgeoisie »
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