[Procès mauvaises intentions] Impressions et comptes-rendus du procès
Posted: mai 15th, 2012 | Author: Epine noire | Filed under: General | Commentaires fermés sur [Procès mauvaises intentions] Impressions et comptes-rendus du procèsLe procès a lieu à la 10e chambre du Palais de Justice de Paris, Métro Cité. Il reprendra les lundi et mardi 21 et 22 mai à 13h30. Un rendez-vous est prévu pour faire un point d’information à la fin du procès, le mercredi 23 mai à 19h30 au CICP (21ter rue Voltaire, Métro Rue des Boulets, Paris 11e).
Il s’agit d’un procès sous juridiction antiterroriste devant une chambre correctionnelle. Six personnes comparaissent : Ivan, Bruno, Inès, Frank, Damien et Javier. La chambre est composée de la juge Simon et de ses deux assesseurs, ainsi que d’un procureur, d’un huissier et d’un greffier. On constatera au fil des jours que la juge Simon connaît bien le dossier, se montre en apparence compréhensive et à l’écoute des prévenus, pour mieux les coincer.
Premier jour, lundi 14 mai :
Beaucoup de monde s’est retrouvé dans et devant la salle, afin de manifester bruyamment leur solidarité. Un compte-rendu relate ce qui s’est passé à l’extérieur.
La journée s’est déroulée en deux parties : d’abord les présentations d’usage, puis deux premiers interrogatoires, à savoir ceux de Bruno et Ivan.
La juge a commencé par l’appel des prévenus, puis chacun a dû décliner brièvement son état civil : date et lieu de naissance, adresse, (sans) profession, revenus (type et montant, Rsa pour tous). Ensuite la juge a rappelé les accusations pour chacun, c’était assez long. En résumé, les six camarades sont accusés de :
• Participation à un groupement formé en vue de la préparation d’actes de terrorisme (pour les six)
• Fabrication d’engins explosif ou incendiaire (pour Damien, Inès et Javier)
• Tentative (ou complicité de tentative) de dégradation ou de destruction d’un bien appartenant à autrui (pour Damien, Inès et Javier)
• Détention et transport de produits incendiaires ou explosifs (pour Inès, Frank, Ivan et Bruno)
• Refus de se soumettre au prélèvement ADN (pour Ivan, Bruno, Damien)
• Refus de soumettre aux prises d’empreintes digitales (pour Ivan, Bruno et Damien)
À noter que les cinq derniers délits sont tous « en lien avec une entreprise terroriste ».
Puis chacun des prévenus a dû répondre à cette question : « Reconnaissez-vous les faits qui vous sont reprochés ? » Ils ont globalement nié l’ensemble des faits ; certains ont reconnu des refus Adn et empreintes digitales.
Ensuite la juge a fait un long résumé des informations quant aux faits.
Elle a listé pour chacun le nombre précis de jours passés en prison, en précisant « chaque jour compte » (sic). Puis elle a décrit le casier judiciaire de chacun. Elle a alors donné des précisions pour chacune des affaires, détaillant précisément certaines parties du dossier. On remarque d’emblée qu’elle le connaît bien.
CPE : tentative de destruction d’une armoire électrique sur une voie ferrée à Paris le 12 avril 2006. « Cette période-là était marquée par les manifestations anti-CPE. »
Dépanneuse : tentative d’incendie d’une dépanneuse de police devant le commissariat du 18ème le 2 mai 2007, lors des élections présidentielles. « Ces faits s’inscrivent dans toute une série d’attaques, d’incendies et d’actions violentes durant la période des élections présidentielles »
À noter que, dès le début, l’enquête s’est dirigée vers la « MAAF » ; voilà comment la juge elle-même l’évoque : « ce que les policiers appellent « la Mouvance Anarcho-Autonome Francilienne ». Tout cela n’est pas très défini ; mais ces individus se retrouvent sur une critique de l’État, du capital et de ses appareils, sur une haine de l’institution policière… » : « ce « milieu » étant constitué de personnes susceptibles de se livrer à des actes violents ».
Fumigènes : transport de fumigènes et de clous tordus sur le chemin d’une manifestation pour aller au Centre de Rétention de Vincennes le 19 janvier 2008. La juge détaille l’expertise chimique des fumigènes ainsi que les objets trouvés lors des perquisitions, notamment une lettre qui, selon elle, met en avant des liens entre différents prévenus.
Vierzon : transport de chlorate de soude, de médicaments (chlorate de potassium), de plans d’un EPM (Établissement Pénitentiaire pour Mineurs) et de deux manuels de sabotage en italien et en anglais. Inès a toujours précisé que c’était elle qui avait rassemblé tous ces éléments et que Frank n’était au courant de rien. La juge détaille la perquisition de la maison de campagne non loin de Guéret où se rendaient Inès et Frank : notamment des empreintes digitales et génétiques, un exemplaire du journal anticarcéral L’Envolée, et des pétards. Puis viendront des détails sur la perquisition menée au domicile de Frank : de nombreux tracts et des autocollants retrouvés collés sur son frigo, exigeant notamment la libération des prisonniers de longue peine (Action Directe, Georges Ibrahim Abdallah…) ; ainsi que l’analyse méthodique de son téléphone : tant son répertoire que sa géolocalisation (prenant aussi en compte les moments où le téléphone était éteint). Plusieurs personnes proches ont été convoquées pour être auditionnées et pour donner leur Adn ; ce que certaines ont refusé (sans poursuite).
Le procureur demande ensuite la lecture de deux documents spécifiques, dont l’un est un article de journal de l’époque du mouvement anti-CPE, suite à une journée où des voies de chemin de fer ont été bloquées, qui met en avant les conséquences : 200’000 personnes bloquées, plusieurs heures de retard, des dégâts s’élevant à 10 à 20’000 euros pour chaque armoire électrique brûlée.
Interrogatoire de Bruno
Elle commence par l’interroger sur son parcours de manière très détaillée, comme elle le fera pour tous les autres par la suite : études, déplacements, activités, centres d’intérêt, liens avec la famille, convictions politiques… Puis elle en vient aux faits : elle pose alors d’abord des questions sur la détention, le contrôle judiciaire, la cavale… puis sur les faits dont les personnes sont accusées. Comme pour chaque prévenu, elle lui demande à quelles actions militantes il a participé. À d’autres, elle posera aussi des questions plus précises sur leur participation à différentes luttes.
Juge (J) : Pourquoi avoir refusé de donner votre identité aux policiers lors de votre première arrestation ?
Bruno (B) : C’était par solidarité, l’identité est une logique qui inclut et qui exclut selon le statut de chacun, qui exclut par exemple les sans papiers.
(J) Pourquoi, lorsque vous vous refaites arrêter deux ans après, vous donnez une fausse identité ?
(B) Je savais alors que je faisais l’objet d’un mandat d’arrêt.
(J) Pourquoi n’avoir pas respecté votre contrôlé judiciaire ? Qu’en pensez-vous avec le recul ?
(B) Je me suis retrouvé en contrôle judiciaire non seulement uniquement pour des fumigènes, et en plus, à Belfort. C’était trop violent pour moi […]. C’était important pour moi de pouvoir signifier que j’étais contre ces mesures qui m’étaient imposées.
Elle pose par la suite plusieurs questions sur indymedia : Qu’est-ce que c’est ? Comment ça fonctionne ? Quels sujets sont abordés ? Ces questions seront récurrentes pour toutes les personnes interrogées. En gros, elle veut faire d’indymedia l’outil d’organisation de la présumée « MAAF ».
Elle lit en entier la lettre que Bruno a écrite lorsqu’il est parti en cavale. Elle fera de même pour d’autres lettres publiques écrites par les autres prévenus.
(J) Pourquoi aviez-vous un fumigène sur vous ?
(B) Comme je vous l’ai déjà expliqué, on voulait aller à la manifestation devant le centre de rétention de Vincennes en solidarité avec les sans-papiers. On a fabriqué un fumigène et rien d’autre qu’un fumigène. Mais à chaque fois, on nous a dit qu’on mentait, que c’était pas un fumigène. Ce fumigène, c’était pour que les personnes enfermées nous voient.
(J) Pourquoi fabriquer des fumigènes soi-même quand on peut en acheter pas cher ?
(B) Pourquoi se faire à manger soi-même quand on peut acheter des plats tout préparés ?
À chaque personne, elle demandera d’expliquer ses liens avec les autres prévenus : s’ils se connaissent ou pas, à quel point, sur quel plan (amical ou politique), depuis combien de temps, comment et où ils se sont rencontrés…
Au sujet de l’occupation de la préfecture de Bobigny en soutien à un sans-papier, la juge demande :
(J) Comment ce type d’action est organisé ? Par téléphone ? Par bouche-à-oreille ? Faites-vous des réunions ? Qui participe à ces réunions ?
(B) Ça s’organise. Je vais pas vous répondre, c’est pas le cœur de l’affaire.
(J) Si, ça en fait partie.
(J) Le juge d’instruction évoque vos différents refus (empreintes digitales et photo, Adn…) Il fait remarquer que vous n’êtes pas le seul à avoir refusé et qu’il semble qu’il existe des consignes. Le juge d’instruction vous a demandé si vous appliquiez des consignes, des directives, des recommandations. Je vous repose la même question.
(B) J’appartiens au mouvement contestataire, je ne le nie pas.
(J) Vous confirmez comme vous l’avez déclaré « appartenir à la jeunesse contestataire » ?
(B) Oui.
(J) Contestataire de quoi, j’ai pas compris ?
(B) Anticapitaliste.
Interrogatoire d’Ivan
Les questions sont quasiment identiques à celles de Bruno, la juge suit presque le même ordre.
Quelques répliques du genre :
(J) Vous avez perçu le RSA alors que vous étiez en prison ?
(I) Oui, je pense qu’on ne peut pas vivre sans argent, je n’ai donc pas refusé cet argent. (…)
2e jour, mardi 15 mai :
Beaucoup de monde est encore présent pour assister au procès. Malgré plusieurs demandes à la juge, tout le monde n’a pas pu entrer à l’intérieur de la salle. Il en sera de même le lendemain, le mercredi. Même si la juge demande à plusieurs reprises le silence, il a été possible, quelques fois de réagir quand la situation était particulière : de rire lorsque la juge et le procureur disaient n’importe quoi, ou aux bonnes répliques des prévenus, de s’exclamer lorsque la juge était trop intrusive.
Ce jour-là, trois interrogatoires ont eu lieu : Damien, Frank puis Inès.
Interrogatoire de Damien
(J) Avez-vous déjà adhéré à des associations connues comme Amnesty ? (La juge posera cette question à tous les prévenus, changeant parfois d’association, comme le Samu social.)
(J) Et la perquisition à votre domicile, vous en souvenez-vous ?
(D) Je me souviens surtout de l’état dans lequel les policiers ont laissé mon appartement.
(J) Et la notion de « mouvance anarcho-autonome », vous la contestez ?
(D) Je ne la reconnais pas. C’est un terme apparu dans les journaux. Personne ne s’en réclame. Elle a été créée par les policiers. Ensuite, différents actes ont été rattachés à cette mouvance. Les membres de la mouvance deviennent presque responsables de ces actes.
La juge reconnaît alors que cette notion est très floue, et qu’elle y reviendra.
(J) Lors de votre garde-à-vue, vous avez refusé le prélèvement Adn. On l’a pris sur vos effets personnels. Un rapprochement a alors été fait avec un bouchon de bouteille retrouvé sous la dépanneuse. Vous avez contesté formellement toute implication. Comment est-ce possible ?
(D) Je n’ai aucune explication à donner. J’ai déjà été en contact avec des bouteilles. Je n’ai jamais participé à la fabrication d’un engin incendiaire. […] Un poil peut être à un endroit et pourtant la personne à laquelle le poil appartient n’est jamais allée à cet endroit. Et quand bien même ce serait mon Adn, ça ne prouve pas que j’ai confectionné ou posé un engin incendiaire. Lors de ma mise en examen supplétive, dans le bureau du Juge des Libertés et de la Détention, le procureur m’a dit : « Si je demande votre incarcération, c’est du fait de votre ADN retrouvé ajouté à votre profil, l’ADN n’est pas un élément suffisant en soi pour vous condamner. Si c’était sur un braquage qu’on avait retrouvé votre Adn, je ne demanderai pas votre mise en détention. » Or trois ans plus tard, il n’y a toujours aucun élément en plus. Et pourtant, on me poursuit encore.
(J) À plusieurs reprises, puisque vous avez contesté la manière dont votre Adn avait été prélevé lors de votre garde-à-vue, le juge vous l’a redemandé et vous avez refusé. Pourquoi ?
(D) C’est un refus de principe. Je refuse le fichage, je ne veux donc pas m’y prêter volontairement.
(J) Au départ, vous avez pourtant dit que vous aviez refusé car vous aviez été arrêté sans raison.
(D) C’est vrai que j’ai été arrêté puis mis en garde-à-vue alors que je ne faisais que passer par là, que les policiers ont ensuite tout simplement ravagé mon appartement. Tout cela ne met pas forcément dans un état d’esprit très coopératif.
Interrogatoire de Frank
(J) Pourquoi êtes vous devenu chauffeur livreur ?
(D) J’ai toujours aimé conduire et la géographie, c’est pour ça que je suis devenu chauffeur livreur en région parisienne.
Après être longuement revenue sur son parcours personnel, la juge l’interroge sur son contrôle judiciaire et ses soi-disant manquements. Elle énumère ensuite plusieurs manifestations où Frank aurait été vu.
Puis elle en vient aux faits concernant l’arrestation à Vierzon. Elle revient sur les motifs du déplacement, sur la perquisition de la maison de campagne, sur ses liens avec Inès…
Frank aborde les conditions de leur garde-à-vue à Levallois-Perret :
(J) Pourquoi avez-vous dit n’être jamais allé dans cette maison de campagne ?
(F) Je ne peux pas répondre à cette question sans parler de la garde-à-vue antiterroriste. La pression policière, le choc de passer de passer de Vierzon à Levallois-Perret, être accueilli avec un « Bienvenue à Guantanamo », l’isolement sensoriel, les néons allumés en permanence, les multiples auditions, les flics qui attendent que tu sois endormi pour venir te chercher pour l’audition, les interrogatoires où tu es menotté au mur…
Le procureur remettra en cause la pression que Frank a subi lors de sa garde-à-vue : « Si vous n’avez rien dit concernant les conditions soi-disant difficiles de votre garde-à-vue ni au médecin, ni au Juge des Libertés et de la Détention ni au Juge d’instruction, n’est-ce pas seulement parce qu’il ne s’est rien passé pendant cette garde-à-vue et qu’elle ne correspondait pas à vos fantasmes ? Expliquez-vous sur cette garde-à-vue « très difficile ». »
Forte réaction dans la salle…
La juge s’acharne particulièrement sur lui en le bombardant de questions ultra détaillées, notamment sur les différents tracts retrouvés chez lui, avec une attention toute particulière sur chacun des autocollants collés sur son frigo…
Interrogatoire d’Inès
Long retour sur son parcours, et multiples questions sur la maison de campagne en Creuse. Puis elle en vient aux faits et passe un long moment à revenir sur le contenu du sac.
Elle demande à Inès de s’expliquer sur l’origine de chacun des objets retrouvés dans le sac et d’expliquer les raisons de leur déplacement.
Après l’avoir bien cuisiné sur les différents composants chimiques, elle en vient à l’affaire de la dépanneuse.
(J) Il existe une correspondance entre votre Adn et une des traces retrouvées sous la dépanneuse. Comment expliquez-vous cela ?
(I) Je n’ai rien à voir avec ces faits. Je ne peux pas expliquer la présence du cheveu. Un cheveu peut tomber partout, se déplacer. L’Adn, en tant que preuve, a beau apparaître dans des rapports scientifiques ce n’est pas pour autant la vérité absolue. Comment l’Adn pourrait-il faire le récit d’une scène d’infraction ?
(J) Il ne s’agit pas de cela. (I) C’est la seule preuve contre moi.
(J) Non. C’est associé au sac à dos que vous aviez avec vous ainsi qu’aux autres Adn identifiés. (I) C’est ce que disent les rapports.
(J) Pourquoi dites-vous « c’est ce que disent les rapports » ?
(I) Car je conteste l’utilisation de l’Adn en justice. Tout d’abord, comme je l’ai déjà dit, comment l’Adn pourrait-il faire le récit d’une scène d’infraction ? Ensuite, je peux laisser tomber mon Adn à plein d’endroits différents ; en plus, des personnes peuvent déplacer de l’Adn. Enfin, dans ces expertises, il y a différentes choses qui sont contestables : plusieurs erreurs sont possibles, que ce soit dans les fichiers, dans les manipulations. Je ne sais pas comment sont faites ces expertises, les bases de données ne sont pas détaillées. Je remets en cause l’Adn.
(J) Avez-vous déjà rencontré des victimes de viol, Mademoiselle, dont on ne connaîtra les auteurs que par ce procédé ? Je dis ça vu que vous êtes sensibles aux personnes en difficulté…
Huées dans la salle.
Puis la juge repart sur l’engagement politique d’Inès.
Elle en vient à parler de la première semaine de solidarité (question qu’elle abordera ensuite à maintes reprises).
(J) Que saviez-vous de cette mobilisation extérieure ? Étiez-vous au courant ? Qu’en pensez-vous ? Que pensez-vous du fait que certaines de ces manifestations soient accompagnées de dégradations ? N’y a-t-il pas une certaine récupération lors de ces débordements ?
(I) Je n’ai pas à porter de jugement là-dessus ; cela ne m’appartient pas.
Et rebelotte sur indymedia.
3e jour, mercredi 16 mai :
Interrogatoire de Javier
Après les questions d’usage sur sa vie, la juge entame directement l’interrogatoire sur l’Adn.
(J) Comment expliquez-vous que l’on retrouve votre Adn et sur la dépanneuse et à proximité de l’armoire électrique ?
(Ja) J’ai des difficultés à l’expliquer. Pour un stylo, j’aurais pu vous dire si c’était le mien ou pas. Je ne sais même pas quelle est la nature du prélèvement : si c’est un cheveu, ou une dent…
(J) C’est ni l’un ni l’autre.
(Ja) Dans tous les cas, j’ai du mal à l’expliquer. Vous faites confiance en une expertise scientifique. Pour moi, c’est un peu de la magie. Cela peut permettre de faciliter une accusation. J’ai peu confiance en la justice et en ses expertises scientifiques. L’Adn n’est en effet jamais décrypté dans sa totalité, cela prendrait bien trop de temps. En outre, tout homme partage 90% de son Adn avec le chimpanzé, 99,9% avec un autre homme. Et sur ces 0,1% restants, les experts n’observent que quelques bouts, ou loci. 16 en France. C’est seulement ces quelques points que l’on regarde. […]
(J) Il y aurait alors donc deux erreurs vous concernant ?
(Ja) Une seule pourrait suffire. Les scellés sont transmis par des hommes. Il peut y avoir plein d’erreurs à plein de moments de la procédure. […]
(J) Il y en aurait donc deux ?
(Ja) Pas forcément. L’erreur peut provenir lors de la retranscription de l’Adn. Et en plus, quand on demande aux experts d’analyser une trace Adn, c’est biaisé d’avance : on leur dit déjà ce qu’ils doivent trouver ; on leur envoie un scellé, et en même temps, on leur dit de vérifier que c’est bien mon Adn qui est dans le scellé.
(J) Ce n’est pas comme ça que cela s’est passé. Votre Adn a été envoyé à un fichier central.
(Ja) Dans ce cas, je ne comprends pas pourquoi mon Adn aurait été recoupé si tardivement. Le fichier central n’a fait le recoupement que des mois et des mois après avoir reçu mon Adn.
(J) C’est une observation pertinente que vous faites. Par contre, ce n’est pas vrai que nous ciblons. Pour la dépanneuse, on a encore deux Adn non identifiés ; pourquoi alors, si on suit votre raisonnement, on ne les a pas attribués à d’autres gens ?
(Ja) Ce n’est pas ça que j’ai dit. J’ai dit que c’est facile pour vous d’avoir cette preuve. Je dis que vous jugez selon votre intime conviction. C’est bien arrangeant d’avoir des preuves infaillibles. À d’autres époques, le criminel était jugé en fonction de la forme de son visage. Et je ne parle pas de manipulation ou de complot. Les scientifiques le disent : on peut exclure avec certitude, mais on ne peut jamais affirmer à 100% qu’une trace Adn retrouvée provient d’une personne précise. Du coup, on fait appel à des statistiques. Or il y a toujours des chiffres incroyables : un sur 20 milliards par exemple. D’où viennent ces chiffres ? De sondages ? Auraient-ils constitué des échantillons de plusieurs milliards de personnes ? Ou est-ce comme pour les présidentielles, on demande seulement à quelques personnes et on fait des déductions ?
(J) Arrêtez… Comment expliquez-vous qu’il y ait deux erreurs ?
(Ja) Par exemple, c’est déjà arrivé qu’on recherche pendant des années et des années une femme responsable de multiples crimes et cambriolages. Après une longue enquête, il s’est avéré que c’était en fait… une femme qui travaillait dans la confection des bâtonnets de prélèvement Adn. (…) De plus, les laboratoires d’analyse sont des laboratoires privés et leur objectif est de faire de l’argent. La justice délègue. Les labos veulent tellement vendre leurs bâtonnets, c’est pour ça qu’ils montrent des résultats si infaillibles.
Après ce long échange sur l’Adn, la juge en vient aux convictions politiques et aux liens avec les autres prévenus. Quand on l’interroge sur ses convictions politiques, Javier répond :
« Je ne crois pas que ce soit le bon endroit pour débattre de cela. Nous ne sommes pas à égalité. Ce que je vais dire va influencer ma condamnation. Vu que je n’ai pas participé aux sabotages dont vous m’accusez, il n’y a que mon opinion que vous avez, en plus de mon Adn. »
Puis elle repart sur Indymedia et la semaine de solidarité.
Les interrogatoires personnels se terminent. La juge prend des thèmes et interroge ensuite les prévenus un à un.
Pendant plus d’une heure et demie, elle lit différents procès verbaux.
L’un décrit la « Mouvance Anarcho-Autonome Francilienne » : nombre de membres, idées, type d’action… C’est une sorte de définition de ce que serait la « MAAF ».
Un autre présente une longue liste d’actions attribuées par la police à la MAAF. Elle décrit précisément la date, la nature des faits, et les personnes accusées quand c’est le cas.
Elle revient pendant des plombes sur la manifestation du 5 avril 2008. Il s’agit d’un procès verbal des flics qui suivent un groupe d’« anarcho-autonomes ».
Les avocats disent qu’on tente de charger leurs clients alors qu’ils ne sont pas accusés de ces faits.
Puis la juge lit un document descriptif concernant Indymedia et fait une liste d’autres médias.
Elle revient ensuite extrêmement longuement sur la semaine de solidarité sans frontière ayant eu lieu entre le 9 et le 16 juin 2008. Elle lit l’appel à cette semaine ainsi qu’une très longue chronologie détaillée trouvée sur Indymedia, ainsi que des commentaires des flics sur les différentes actions (par exemple, si elles ont été recensées ou pas).
Elle évoque aussi différents guides trouvés eux aussi sur Indymedia : guide sur la garde-à-vue (qu’elle juge « très pédagogique »), sur l’Adn, sur des lois sécuritaires… Elle évoque aussi « 10 jours d’agitation contre les lois antiterroristes » en janvier 2009.
Après ces longues lectures, la juge ré-interroge les différents prévenus.
Juge : Dans beaucoup de ces manifestations il est fait, dans les compte-rendus, référence à la notion d’ »anarchistes » et aussi à vous personnellement. Qu’en pensez-vous ?
Frank : Ça n’a pas grand chose à voir avec le terrorisme.
Juge : Le site utilise le mot « anarchistes ». Qu’en pensez-vous ?
Frank : Chacun peut mettre les catégories qu’il veut.
Inès : Je n’ai pas grand chose à en dire non plus. Je ne vois pas en quoi cela me concerne. Je ne suis pas responsable d’actes commis à des milliers de km et qui se sont déroulés lors de ma détention.
Juge : Oui, mais qu’en pensez-vous ?
Inès : Je ne veux pas m’exprimer là-dessus.
Damien : Je suis étonné que l’on passe 1h30 là-dessus. Vous tentez de faire un lien, comme si vous cherchiez à nous rendre responsables de tout cela.
Juge : Je ne fais pas ce lien. Qu’en pensez-vous ?
Damien : Chacun est libre d’exprimer sa solidarité de la manière qu’il le souhaite. Je n’ai pas à me prononcer là-dessus. C’est en constituant cette liste que les policiers construisent la MAAF.
Juge : Qui fait ce regroupement ? Ce n’est pas la police ni le tribunal ; c’est Indymedia.
Damien : Il y a des centaines de milliers d’articles sur Indymedia.
Son avocate dénonce l’utilisation d’Indymedia à charge contre les prévenus.
Ivan : Il explique comment dans le réquisitoire de fin d’instruction, le procureur établit comme un lien avec l’ETA le fait qu’il y a eu des actions de solidarité aux Pays Basques et combien c’est faux.
Puis il estime que c’est pour leur participation à des luttes qu’ils comparaissent au tribunal et que donc il trouve normal que des gens fassent preuve de solidarité.
Puis il réfute le lien entre tous les faits qui ont été listés auparavant, comme il n’y a pas de raison de les regrouper ainsi. Et qu’il n’est pas justifié par la police où s’arrêtent et où commencent les actions la MAAF.
Juge : Au PV.
Ivan : S’il n’y a pas de définition de la MAAF, d’où provient alors ce regroupement ? Personne ne s’en revendique. La justice n’est pas indépendante du pouvoir. Grâce au dossier, j’ai compris comment le fichier MAAF fonctionnait. Sur ce fichage anarcho-autonome (…), si des personnes sont arrêtées lors d’une manifestation en présence d’une personne fichée anarcho-autonome, alors ces personnes le deviennent aussi.
Bruno : Je n’ai pas grand chose à en dire. Chacun est libre de se solidariser à sa manière. La MAAF est une construction a priori. Je suis contre ce genre de liste.
Javier : Sur la semaine de solidarité, je ne suis pas poursuivi pour ces faits, je ne veux pas donner d’opinion politique.
Juge : Et concernant l’autre liste (celle des actions de la MAAF) ?
Javier : J’ai l’impression que vous défendez ce fichage des RG. Il devrait y avoir dans le dossier le descriptif de comment on se retrouve dans ce fichier.
Le procès a lieu à la 10e chambre du Palais de Justice de Paris, Métro Cité. Il reprendra les lundi et mardi 21 et 22 mai à 13h30. Un rendez-vous est prévu pour faire un point d’information à la fin du procès, le mercredi 23 mai à 19h30 au CICP (21ter rue Voltaire, Métro Rue des Boulets, Paris 11ème).
Solidarité avec les 6 camarades inculpés !
D’autres textes sur les premiers jours du procès à lire sur indymédia :
Procès antiterroriste : premier jour agité
(Mauvaises intentions) Le coupable est… indymedia !
L’enfer des bonnes intentions
Terrorisme, curcuma et crime par la pensée
Et bien entendu, beaucoup plus d’infos sur infokiosques.net/mauvaises_intentions et dans la brochure Mauvaises Intentions 3
Indymedia Paris, 20 mai 2012
………………..
Quatrième journée : les réquisitions
Procès de la “mouvance anarcho-autonome” : des peines de prison requises
À l’issue des débats, le procureur a requis des peines allant d’un an de prison dont six mois ferme à trois ans de prison dont un an ferme contre les six personnes accusées d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.
Dernières déclarations des prévenus avant le réquisitoire. Avant de laisser la parole au procureur puis aux avocats de la défense, les six prévenus ont l’occasion de rajouter quelques mots, de rectifier l’image d’eux-mêmes qui a émergé par bribes contradictoires au fil des débats. Après quatre ans d’instruction et trois après-midi d’audience, ils ont eu le temps d’y réfléchir et déclarent d’un ton posé :
Franck F. : “Ce que je pense n’est pas réductible à des étiquettes collées par le ministère de l’Intérieur. Dans cette “mouvance anarcho-autonome”, on peut faire entrer n’importe quoi, pourvu que ce soit à charge.”
Ivan H. reparle d’une interview donnée par la ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie en janvier 2008, où elle commente son arrestation. “Cela conforte tous nos propos sur la manière dont le dossier est construit.”
Ines M. : “S’il s’agit de réprimer des actes de sabotage ou des incendies pendant le CPE et la période électorale, des milliers d’autres actes ont été commis sans être répertoriés comme actes terroristes.”
Comme nous l’avons écrit lors des comptes-rendus d’audience précédents, les prévenus assument leurs opinions politiques et leurs engagements “contestataires” tout en niant les faits qui leur sont reprochés : avoir, de manière concertée, essayé de commettre plusieurs actes de sabotage en utilisant des engins incendiaires contre une armoire électrique de la SNCF (2006) et une dépanneuse de police (2007).
Les empreintes ADN d’Ines M., Javier M. (son frère) et Damien B. ont été retrouvées sur l’engin placé sous la dépanneuse de police. Celles de Javier M. se trouvaient également sur les lieux du sabotage SNCF. Trois prévenus sont aussi poursuivis pour refus de prélèvement ADN, même si, comme l’admet le parquet qui requiert la relaxe dans deux cas, les policiers ne leur ont pas demandé à tous leur consentement.
Hormis ce quasi-détail, le procureur Olivier Christen demande au tribunal de déclarer les prévenus coupables de tous les faits : association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste (pour les six), détention et / ou transport de matières explosives ou inflammables, fabrication d’engins incendiaires, selon les cas.
Dans son réquisitoire, il associe d’emblée les deux jeunes gens arrêtés ensemble lors d’un contrôle douanier à Vierzon, partis selon lui “mettre à l’abri la réserve de matières explosives” d’Ines M. après l’arrestation “de trois de ses amis” et coprévenus. Il décrit Ines M. et Franck F. comme des “adeptes de l’expression violente”. “C’est ensemble qu’ils ont décidé d’aller cacher ce matériel” pouvant servir à “des explosifs improvisés” et “des documents qui assoient cette volonté”, martèle le procureur.
Qualification terroriste maintenue
L’accusation n’est pas avare de commentaires pas sur les “effets potentiellement dévastateurs” des actes prévus. Si l’engin placé sous la dépanneuse avait pris feu, “en haut d’une rue à forte pente”, “l’ensemble des véhicules situés en contrebas” auraient pu s’enflammer, s’inquiète le parquetier. Quant à l’armoire électrique de la SNCF, son incendie aurait entraîné “le blocage de 200’000 personnes qui se rendaient au travail le matin”.
Il maintient donc la qualification terroriste des faits, considérant qu’une tentative d’atteinte aux biens (et pas aux personnes) entre dans le registre des actes qui visent “à troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur”. Et considère que les liens entre les prévenus, les similitudes entre les modes opératoires et les traces ADN retrouvées permettent de les déclarer coupables.
“Ces infractions qui paraissent distinctes sont liées les unes aux autres dans la même entreprise terroriste. […] Si les six prévenus ne se revendiquent d’aucun groupe, les actes reprochés ont été commis dans le même objectif : déstabiliser l’État. […] Que les prévenus n’aient pas réussi n’enlève rien à leur objectif.”
Le procureur “ne pense pas qu’il y avait un groupement formé, c’est-à-dire pérenne, mais une entente. Ils ont des relations étroites depuis 2006”. Il dégaine les manifestations auxquelles plusieurs prévenus ont assisté, des correspondances, des examens de leur trafic téléphonique.
Sont requis : trois ans de prison dont un ferme pour Ines M., trois ans de prison dont un ferme et deux ans de sursis avec mise à l’épreuve pour Javier M., deux ans de prison dont un ferme pour Damien B., deux ans de prison dont six mois ferme pour Franck F., un an de prison dont six mois ferme pour Ivan H. et Bruno L. Les peines requises couvrent quasiment la détention provisoire déjà effectuée par les prévenus. Les plaidoiries de la défense, déjà commencées ce lundi, clôtureront la dernière audience de mardi.
Presse terroriste (Camille Polloni, LesInrocks.com, 22 mai 2012)
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Cinquième journée : les plaidoiries
Dernier jour du procès antiterroriste : plaidoiries et atelier photo
Les avocats de la défense ont conclu ces cinq jours d’audience, dans le procès de six membres de la supposée “mouvance anarcho-autonome” poursuivis pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.
Les réquisitions du procureur, lundi, auraient pu susciter un léger soulagement chez les six prévenus : pour l’essentiel, les peines demandées ne dépassent pas les peines de prison qu’ils ont déjà effectuées en préventive. Mais les avocats de la défense ne se sont pas contentés de plaider le statu quo. Ils ont tous demandé la relaxe de leurs clients respectifs, en utilisant des arguments communs.
Contestation de la qualification terroriste
“Troubler l’ordre public par l’intimidation ou la terreur.” Cette définition assez floue du terrorisme en droit français laisse la porte ouverte à toutes les interprétations. Le procureur avait ainsi parlé des “effets potentiellement dévastateurs” des sabotages reprochés aux prévenus, contre une armoire électrique de la SCNF en 2006 et contre une dépanneuse de police en 2007. Des actes restés à l’état de tentatives, puisqu’aucun des deux engins incendiaires retrouvés n’a fonctionné.
La défense, contestant la qualification terroriste des faits (dont les prévenus ne reconnaissent pas la paternité), a voulu démontrer lundi et mardi l’illusion de ces “effets potentiellement dévastateurs”. “Hallucinante dérive”, pour Me Martinot, pour qui “cet engin ne peut pas terroriser quiconque”. “On ne peut pas se contenter de brandir le terrorisme, or c’est ce qui semble avoir été fait par le ministère public”, avance Me Charlotte Plantin, avocate d’Ines M. Son confrère, Me Michel, théâtral avec ses moustaches blanches arborescentes, renchérit :
“Vous parlez d’action terroriste pour avoir voulu mettre le feu à une voiture. Mais le premier janvier 2009, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, 1147 voitures ont brûlé. Je n’ai pas le souvenir que l’une des personnes arrêtées ait été incriminée pour des actes terroristes. On a quatre ans d’instruction et un an de préventive d’un côté, un fait divers de l’autre. […] Les définitions mondialement acceptées de la notion de terrorisme parlent toujours d’atteinte aux personnes.”
En ce qui concerne la tentative d’incendie sur l’armoire électrique de la SCNF, Me Di Mayo, avocate de Javier M., en tire les mêmes conclusions :
“L’incendie aurait déclenché une alarme et si l’armoire avait brûlé, un arrêt du trafic. Monsieur le procureur a parlé du blocage de 200’000 personnes dans des trains. Mais quand bien même, je ne vois pas l’effet dévastateur et l’intimidation. Il y a un certain opportunisme politique dans l’utilisation de cette qualification hors de proportion.”
Contexte politique
Chaque avocat de la défense, tout en martelant que “ce n’est pas un procès politique”, a fait allusion au contexte politique des arrestations, début 2008. On s’en souvient, la “mouvance anarcho-autonome” faisait son apparition dans la bouche de la ministre de l’Intérieur de l’époque, Michèle Alliot-Marie. Pour Me Michel :
“Anarcho, ça a toujours fait frémir le bourgeois. Autonome aussi. Tout ça est dans la mémoire collective. Le fait d’adjoindre les deux, c’est magnifique.”
Longuement commenté lors d’une précédente audience, le terme serait, pour Me Bedossa, symptomatique de “la création d’un ennemi de l’intérieur” doté d’une sorte de responsabilité collective dans la contestation. Plusieurs parlent de “construction” motivée par le fichage préalable de la plupart des prévenus par les Renseignements généraux.
“Leurs positions politiques communes viennent asseoir l’idée d’entente”, déplore Me Tort, avocate de Bruno L. :
“Vous avez à juger des individus et pas seulement un groupe, un sac. Bruno L. porte l’idée que nous ne traitons peut-être pas les étrangers de la bonne manière. Dans d’autres dossiers, ce sont des questions qui ne sont pas posées.”
Enquête à charge
Partant du contexte politique, les avocats dénoncent “une enquête à charge”. “Dès le début, les policiers sous le contrôle du parquet, ont voulu que ce soit un engin explosif”, dénonce Me Boesel, avocate d’Ivan H.. Me Michel, ironique :
“Ce type de services de police est là pour ça. D’une certaine manière, heureusement que ce type d’affaires existe pour justifier leur boulot.”
Le “procès de la solidarité”
“Votre décision aura une portée importante”, lance Me Bedossa à la présidente.
“C’est un enjeu pour une éventuelle jurisprudence. On reproche à mon client des amis, mais on ne cite pas ceux qui n’ont pas de conscience politique particulière. On lui reproche sa littérature. S’ils étaient condamnés, la liberté de penser ou d’agir n’existerait plus en dehors d’un parti, d’un syndicat ou d’une organisation reconnue.”
Me Boesel y voit “le procès de la solidarité” : “Vous avez la charge d’une politique de criminalisation des mouvements sociaux et de la contestation.” “Ce glissement m’inquiète”, affirme Me Martinot :
“On a voulu la stigmatisation des opinions dissidentes, intimider et réprimer les mouvements sociaux. La mouvance anarcho-autonome est une espèce de fourre-tout utilisé pour se débarrasser de cette contestation.”
Une photographe amatrice ?
Pendant que la défense revient sur les faits, reprenant point par point les arguments de l’accusation pendant toute l’après-midi sur les substances incendiaires, la fiabilité de l’ADN et le “fichage politique”, un incident (notamment signalé par Owni et par Mediapart) agrémente l’audience de la chambre correctionnelle voisine, la XVIIe. On signale à la présidente Sauteraud une intruse dans la salle des témoins.
Ceux-ci, s’apprêtant à se réunir dans leur salle, attenante à la XVIIe chambre, tombent sur une photographe un peu particulière. Munie d’appareils, elle shoote le “plateau correctionnel” à travers la vitre sans tain. Bizarre… la salle des témoins est pourtant gardée par un gendarme. Celui-ci aurait d’ailleurs demandé aux témoins de ne pas allumer la lumière évoquant la présence de “groupes de soutien“.
Justement, depuis le début du procès des “anarcho-autonomes”, les soutiens surnuméraires des prévenus se réunissent sur ce plateau correctionnel. Si les policiers du renseignement sont bien présents en nombre depuis le début du procès, la photographe discrète n’a pas décliné sa profession. Photographe de plateau correctionnel sans doute, il n’y a pas de sot métier. Le jugement sera rendu le 25 juin.
Mise à jour le 23/05 à 9h55 : La mystérieuse photographe appartient à la Direction du renseignement de la préfecture de police, comme celle-ci l’a confirmé à Europe 1.
Presse terroriste (Camille Polloni, LesInrocks.com, 23 mai 2012)
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