Toutes et tous à Notre-Dame-des-Landes le 17 novembre!

Posted: novembre 6th, 2012 | Author: | Filed under: contrôle, répression, prison, Ecologie - nucléaire - alternatives, écologie, anti-nucléaire, agriculture, ressources naturelles, Environnement et écologie, Expulsion, Manifestations et rassemblements, Occupation | Tags: | Commentaires fermés sur Toutes et tous à Notre-Dame-des-Landes le 17 novembre!

Manifestation de réoccupation NDDL le 17 novembre


Manifestation anti-nucléaire à Laval (53)

Posted: octobre 11th, 2012 | Author: | Filed under: (anti-)industrie, technologies, Ecologie - nucléaire - alternatives, écologie, anti-nucléaire, agriculture, ressources naturelles, En une, Environnement et écologie | 1 Comment »

 

Le 13 octobre, entrons en fusion contre le nucléaire

Ce que nous voulons c’est l’arrêt immédiat de toutes les centrales nucléaires et pas seulement de celle de Fessenheim qui ne serait qu’un os à ronger pour les écologistes. La décision d’abandonner cette industrie reste un choix politique et l’exigence d’un arrêt immédiat, total et définitif est donc le seul mot d’ordre qui vaille, surtout après la catastrophe de Fukushima et l’incident à Fessenheim. Le nucléaire ce n’est pas une affaire d’énergie pour satisfaire nos besoins, c’est avant tout une affaire industrielle liée à un mode de production.

Les nucléocrates jouent sur la peur ! Ils nous disent que sans le nucléaire nous reviendrions à la bougie et mènerions une vie misérable ! Or, c’est cette organisation sociale et économique qui permet les catastrophes tel que Tchernobyl et Fukushima…

L’arrêt immédiat des centrales est techniquement possible sans que cela change grand-chose aux modes de vie actuels. Si les capitalistes y étaient obligés par la multiplication des catastrophes ou par une diminution drastique des bénéfices escomptés, ils trouveraient tout seul le moyen d’arrêter le nucléaire en remettant en marche des centrales thermiques et hydroélectriques. Car ce qui compte pour eux ce n’est pas de nous rendre service en maintenant un mode de vie supposé élevé ou merveilleux, mais bien de faire des bénéfices ! Ce qu’ils veulent en prolongeant le nucléaire, c’est amortir leurs investissements et toucher les dividendes… et pour ça peu importe les catastrophes et les morts (les capitalistes se sont toujours foutus des dégâts collatéraux comme les guerres, ils se foutent aussi des explosions nucléaires).

Luttons donc pour l’arrêt de la machine nucléaire, contre le système qui l’a produit et qui nous offre chaque jour les preuves de la nécessité de l’abattre. Les mesures d’austérité annoncées pour « recapitaliser » les banques toucheront salaires et retraites, mais pas les milliards engloutis par cette industrie qui remplit les poches des grosses entreprises et de leurs actionnaires. Ceux qui, à droite comme à gauche, demandent une sortie du nucléaire en 20, 30 ou 40 ans ne font qu’offrir aux grands groupes capitalistes comme Bouygues, AREVA, Vinci et autres les moyens de faire encore plus de bénéfices et de leur offrir le délai nécessaire pour rentabiliser au maximum leurs investissements passés et pour faire du solaire, de l’éolien, de la géothermie, un gisement de profit aussi juteux que le fut le nucléaire dans les années 70. Si l’industrie nucléaire est une folie meurtrière le système qui l’a mis en place l’est tout autant.

Par ailleurs, la stratégie nucléariste s’est toujours accompagnée d’une volonté de développement de grands travaux qui sont eux aussi un vecteur du redéploiement capitaliste. Trains à grande vitesse (LGV Poitiers-Limoges, TAV dans le Val Susa…), méga aéroports (Notre Dames des Landes), Lignes à très haute tension (lignes Cotentin-Maine), autoroutes (terriennes et de la mer), bétonnage généralisé, projet de forages pour l’extraction du gaz de schiste etc. Ces projets ne sont utiles qu’aux élites, aux industriels du tourisme et du transport, et aux projets visant à redessiner et à marchandiser un peu plus encore nos espaces et nos vies en vue de profits à réaliser.

À l’opposé, certain(e)s dans les luttes actuelles soumettent l’idée que la solution passe par la réappropriation et la redéfinition collective des besoins et des moyens de production d’énergies au niveau local.

Les luttes qui se mènent actuellement ne sauraient être récupérées à des fins politiciennes par des responsables de partis qui participent au pouvoir qui les met en œuvre. Elles appartiennent à celles et ceux qui luttent. C’est pourquoi le « Copain » considère qu’être antinucléaire c’est lier ces combats entre eux et en être partie prenante.

Tous à Laval le 13 octobre, pour former un bloc anticapitaliste et porter un message clair, ni rose, ni vert, arrêt immédiat du nucléaire !

COPAIN
(COllectif Poitevin pour l’Arrêt Immédiat du Nucléaire)
copain [arrobase] riseup [point] net


Soirée d’info sur la ligne THT le 25 mai au Pilori

Posted: mai 18th, 2012 | Author: | Filed under: Ecologie - nucléaire - alternatives, écologie, anti-nucléaire, agriculture, ressources naturelles, Poitiers | Commentaires fermés sur Soirée d’info sur la ligne THT le 25 mai au Pilori

Soirée d'info sur la ligne THT, au "Pilori", le 25 mai


[Procès mauvaises intentions] Impressions et comptes-rendus du procès

Posted: mai 15th, 2012 | Author: | Filed under: General | Commentaires fermés sur [Procès mauvaises intentions] Impressions et comptes-rendus du procès

Le procès a lieu à la 10e chambre du Palais de Justice de Paris, Métro Cité. Il reprendra les lundi et mardi 21 et 22 mai à 13h30. Un rendez-vous est prévu pour faire un point d’information à la fin du procès, le mercredi 23 mai à 19h30 au CICP (21ter rue Voltaire, Métro Rue des Boulets, Paris 11e).

Il s’agit d’un procès sous juridiction antiterroriste devant une chambre correctionnelle. Six personnes comparaissent : Ivan, Bruno, Inès, Frank, Damien et Javier. La chambre est composée de la juge Simon et de ses deux assesseurs, ainsi que d’un procureur, d’un huissier et d’un greffier. On constatera au fil des jours que la juge Simon connaît bien le dossier, se montre en apparence compréhensive et à l’écoute des prévenus, pour mieux les coincer.

Premier jour, lundi 14 mai :

Beaucoup de monde s’est retrouvé dans et devant la salle, afin de manifester bruyamment leur solidarité. Un compte-rendu relate ce qui s’est passé à l’extérieur.

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La journée s’est déroulée en deux parties : d’abord les présentations d’usage, puis deux premiers interrogatoires, à savoir ceux de Bruno et Ivan.

La juge a commencé par l’appel des prévenus, puis chacun a dû décliner brièvement son état civil : date et lieu de naissance, adresse, (sans) profession, revenus (type et montant, Rsa pour tous). Ensuite la juge a rappelé les accusations pour chacun, c’était assez long. En résumé, les six camarades sont accusés de :

• Participation à un groupement formé en vue de la préparation d’actes de terrorisme (pour les six)
• Fabrication d’engins explosif ou incendiaire (pour Damien, Inès et Javier)
• Tentative (ou complicité de tentative) de dégradation ou de destruction d’un bien appartenant à autrui (pour Damien, Inès et Javier)
• Détention et transport de produits incendiaires ou explosifs (pour Inès, Frank, Ivan et Bruno)
• Refus de se soumettre au prélèvement ADN (pour Ivan, Bruno, Damien)
• Refus de soumettre aux prises d’empreintes digitales (pour Ivan, Bruno et Damien)

À noter que les cinq derniers délits sont tous « en lien avec une entreprise terroriste ».

Puis chacun des prévenus a dû répondre à cette question : « Reconnaissez-vous les faits qui vous sont reprochés ? » Ils ont globalement nié l’ensemble des faits ; certains ont reconnu des refus Adn et empreintes digitales.

http://pix.toile-libre.org/upload/original/1337511589.jpgLa juge Simon

Ensuite la juge a fait un long résumé des informations quant aux faits.
Elle a listé pour chacun le nombre précis de jours passés en prison, en précisant « chaque jour compte » (sic). Puis elle a décrit le casier judiciaire de chacun. Elle a alors donné des précisions pour chacune des affaires, détaillant précisément certaines parties du dossier. On remarque d’emblée qu’elle le connaît bien.

- CPE : tentative de destruction d’une armoire électrique sur une voie ferrée à Paris le 12 avril 2006. « Cette période-là était marquée par les manifestations anti-CPE. »
- Dépanneuse : tentative d’incendie d’une dépanneuse de police devant le commissariat du 18ème le 2 mai 2007, lors des élections présidentielles. « Ces faits s’inscrivent dans toute une série d’attaques, d’incendies et d’actions violentes durant la période des élections présidentielles »
À noter que, dès le début, l’enquête s’est dirigée vers la « MAAF » ; voilà comment la juge elle-même l’évoque : « ce que les policiers appellent « la Mouvance Anarcho-Autonome Francilienne ». Tout cela n’est pas très défini ; mais ces individus se retrouvent sur une critique de l’État, du capital et de ses appareils, sur une haine de l’institution policière… » : « ce « milieu » étant constitué de personnes susceptibles de se livrer à des actes violents  ».
- Fumigènes : transport de fumigènes et de clous tordus sur le chemin d’une manifestation pour aller au Centre de Rétention de Vincennes le 19 janvier 2008. La juge détaille l’expertise chimique des fumigènes ainsi que les objets trouvés lors des perquisitions, notamment une lettre qui, selon elle, met en avant des liens entre différents prévenus.
- Vierzon : transport de chlorate de soude, de médicaments (chlorate de potassium), de plans d’un EPM (Établissement Pénitentiaire pour Mineurs) et de deux manuels de sabotage en italien et en anglais. Inès a toujours précisé que c’était elle qui avait rassemblé tous ces éléments et que Frank n’était au courant de rien. La juge détaille la perquisition de la maison de campagne non loin de Guéret où se rendaient Inès et Frank : notamment des empreintes digitales et génétiques, un exemplaire du journal anticarcéral L’Envolée, et des pétards. Puis viendront des détails sur la perquisition menée au domicile de Frank : de nombreux tracts et des autocollants retrouvés collés sur son frigo, exigeant notamment la libération des prisonniers de longue peine (Action Directe, Georges Ibrahim Abdallah…) ; ainsi que l’analyse méthodique de son téléphone : tant son répertoire que sa géolocalisation (prenant aussi en compte les moments où le téléphone était éteint). Plusieurs personnes proches ont été convoquées pour être auditionnées et pour donner leur Adn ; ce que certaines ont refusé (sans poursuite).

Le procureur demande ensuite la lecture de deux documents spécifiques, dont l’un est un article de journal de l’époque du mouvement anti-CPE, suite à une journée où des voies de chemin de fer ont été bloquées, qui met en avant les conséquences : 200’000 personnes bloquées, plusieurs heures de retard, des dégâts s’élevant à 10 à 20’000 euros pour chaque armoire électrique brûlée.

Interrogatoire de Bruno

Elle commence par l’interroger sur son parcours de manière très détaillée, comme elle le fera pour tous les autres par la suite : études, déplacements, activités, centres d’intérêt, liens avec la famille, convictions politiques… Puis elle en vient aux faits : elle pose alors d’abord des questions sur la détention, le contrôle judiciaire, la cavale… puis sur les faits dont les personnes sont accusées. Comme pour chaque prévenu, elle lui demande à quelles actions militantes il a participé. À d’autres, elle posera aussi des questions plus précises sur leur participation à différentes luttes.

Juge (J) : Pourquoi avoir refusé de donner votre identité aux policiers lors de votre première arrestation ?
Bruno (B) : C’était par solidarité, l’identité est une logique qui inclut et qui exclut selon le statut de chacun, qui exclut par exemple les sans papiers.
(J) Pourquoi, lorsque vous vous refaites arrêter deux ans après, vous donnez une fausse identité ?
(B) Je savais alors que je faisais l’objet d’un mandat d’arrêt.
(J) Pourquoi n’avoir pas respecté votre contrôlé judiciaire ? Qu’en pensez-vous avec le recul ?
(B) Je me suis retrouvé en contrôle judiciaire non seulement uniquement pour des fumigènes, et en plus, à Belfort. C’était trop violent pour moi […]. C’était important pour moi de pouvoir signifier que j’étais contre ces mesures qui m’étaient imposées.

Elle pose par la suite plusieurs questions sur indymedia : Qu’est-ce que c’est ? Comment ça fonctionne ? Quels sujets sont abordés ? Ces questions seront récurrentes pour toutes les personnes interrogées. En gros, elle veut faire d’indymedia l’outil d’organisation de la présumée « MAAF ».

Elle lit en entier la lettre que Bruno a écrite lorsqu’il est parti en cavale. Elle fera de même pour d’autres lettres publiques écrites par les autres prévenus.
(J) Pourquoi aviez-vous un fumigène sur vous ?
(B) Comme je vous l’ai déjà expliqué, on voulait aller à la manifestation devant le centre de rétention de Vincennes en solidarité avec les sans-papiers. On a fabriqué un fumigène et rien d’autre qu’un fumigène. Mais à chaque fois, on nous a dit qu’on mentait, que c’était pas un fumigène. Ce fumigène, c’était pour que les personnes enfermées nous voient.
(J) Pourquoi fabriquer des fumigènes soi-même quand on peut en acheter pas cher ?
(B) Pourquoi se faire à manger soi-même quand on peut acheter des plats tout préparés ?

À chaque personne, elle demandera d’expliquer ses liens avec les autres prévenus : s’ils se connaissent ou pas, à quel point, sur quel plan (amical ou politique), depuis combien de temps, comment et où ils se sont rencontrés…

Au sujet de l’occupation de la préfecture de Bobigny en soutien à un sans-papier, la juge demande :
(J) Comment ce type d’action est organisé ? Par téléphone ? Par bouche-à-oreille ? Faites-vous des réunions ? Qui participe à ces réunions ?
(B) Ça s’organise. Je vais pas vous répondre, c’est pas le cœur de l’affaire.
(J) Si, ça en fait partie.

(J) Le juge d’instruction évoque vos différents refus (empreintes digitales et photo, Adn…) Il fait remarquer que vous n’êtes pas le seul à avoir refusé et qu’il semble qu’il existe des consignes. Le juge d’instruction vous a demandé si vous appliquiez des consignes, des directives, des recommandations. Je vous repose la même question.
(B) J’appartiens au mouvement contestataire, je ne le nie pas.
(J) Vous confirmez comme vous l’avez déclaré « appartenir à la jeunesse contestataire » ?
(B) Oui.
(J) Contestataire de quoi, j’ai pas compris ?
(B) Anticapitaliste.

Interrogatoire d’Ivan

Les questions sont quasiment identiques à celles de Bruno, la juge suit presque le même ordre.

Quelques répliques du genre :
(J) Vous avez perçu le RSA alors que vous étiez en prison ?
(I) Oui, je pense qu’on ne peut pas vivre sans argent, je n’ai donc pas refusé cet argent. (…)

2e jour, mardi 15 mai :

Beaucoup de monde est encore présent pour assister au procès. Malgré plusieurs demandes à la juge, tout le monde n’a pas pu entrer à l’intérieur de la salle. Il en sera de même le lendemain, le mercredi. Même si la juge demande à plusieurs reprises le silence, il a été possible, quelques fois de réagir quand la situation était particulière : de rire lorsque la juge et le procureur disaient n’importe quoi, ou aux bonnes répliques des prévenus, de s’exclamer lorsque la juge était trop intrusive.

Ce jour-là, trois interrogatoires ont eu lieu : Damien, Frank puis Inès.

Interrogatoire de Damien

(J) Avez-vous déjà adhéré à des associations connues comme Amnesty ? (La juge posera cette question à tous les prévenus, changeant parfois d’association, comme le Samu social.)

(J) Et la perquisition à votre domicile, vous en souvenez-vous ?
(D) Je me souviens surtout de l’état dans lequel les policiers ont laissé mon appartement.

(J) Et la notion de « mouvance anarcho-autonome », vous la contestez ?
(D) Je ne la reconnais pas. C’est un terme apparu dans les journaux. Personne ne s’en réclame. Elle a été créée par les policiers. Ensuite, différents actes ont été rattachés à cette mouvance. Les membres de la mouvance deviennent presque responsables de ces actes.

La juge reconnaît alors que cette notion est très floue, et qu’elle y reviendra.

(J) Lors de votre garde-à-vue, vous avez refusé le prélèvement Adn. On l’a pris sur vos effets personnels. Un rapprochement a alors été fait avec un bouchon de bouteille retrouvé sous la dépanneuse. Vous avez contesté formellement toute implication. Comment est-ce possible ?
(D) Je n’ai aucune explication à donner. J’ai déjà été en contact avec des bouteilles. Je n’ai jamais participé à la fabrication d’un engin incendiaire. […] Un poil peut être à un endroit et pourtant la personne à laquelle le poil appartient n’est jamais allée à cet endroit. Et quand bien même ce serait mon Adn, ça ne prouve pas que j’ai confectionné ou posé un engin incendiaire. Lors de ma mise en examen supplétive, dans le bureau du Juge des Libertés et de la Détention, le procureur m’a dit : « Si je demande votre incarcération, c’est du fait de votre ADN retrouvé ajouté à votre profil, l’ADN n’est pas un élément suffisant en soi pour vous condamner. Si c’était sur un braquage qu’on avait retrouvé votre Adn, je ne demanderai pas votre mise en détention. » Or trois ans plus tard, il n’y a toujours aucun élément en plus. Et pourtant, on me poursuit encore.

(J) À plusieurs reprises, puisque vous avez contesté la manière dont votre Adn avait été prélevé lors de votre garde-à-vue, le juge vous l’a redemandé et vous avez refusé. Pourquoi ?
(D) C’est un refus de principe. Je refuse le fichage, je ne veux donc pas m’y prêter volontairement.
(J) Au départ, vous avez pourtant dit que vous aviez refusé car vous aviez été arrêté sans raison.
(D) C’est vrai que j’ai été arrêté puis mis en garde-à-vue alors que je ne faisais que passer par là, que les policiers ont ensuite tout simplement ravagé mon appartement. Tout cela ne met pas forcément dans un état d’esprit très coopératif.

Interrogatoire de Frank

(J) Pourquoi êtes vous devenu chauffeur livreur ?
(D) J’ai toujours aimé conduire et la géographie, c’est pour ça que je suis devenu chauffeur livreur en région parisienne.

Après être longuement revenue sur son parcours personnel, la juge l’interroge sur son contrôle judiciaire et ses soi-disant manquements. Elle énumère ensuite plusieurs manifestations où Frank aurait été vu.
Puis elle en vient aux faits concernant l’arrestation à Vierzon. Elle revient sur les motifs du déplacement, sur la perquisition de la maison de campagne, sur ses liens avec Inès…
Frank aborde les conditions de leur garde-à-vue à Levallois-Perret :
(J) Pourquoi avez-vous dit n’être jamais allé dans cette maison de campagne ?
(F) Je ne peux pas répondre à cette question sans parler de la garde-à-vue antiterroriste. La pression policière, le choc de passer de passer de Vierzon à Levallois-Perret, être accueilli avec un « Bienvenue à Guantanamo », l’isolement sensoriel, les néons allumés en permanence, les multiples auditions, les flics qui attendent que tu sois endormi pour venir te chercher pour l’audition, les interrogatoires où tu es menotté au mur…

Le procureur remettra en cause la pression que Frank a subi lors de sa garde-à-vue : « Si vous n’avez rien dit concernant les conditions soi-disant difficiles de votre garde-à-vue ni au médecin, ni au Juge des Libertés et de la Détention ni au Juge d’instruction, n’est-ce pas seulement parce qu’il ne s’est rien passé pendant cette garde-à-vue et qu’elle ne correspondait pas à vos fantasmes ? Expliquez-vous sur cette garde-à-vue « très difficile ». »
Forte réaction dans la salle…

La juge s’acharne particulièrement sur lui en le bombardant de questions ultra détaillées, notamment sur les différents tracts retrouvés chez lui, avec une attention toute particulière sur chacun des autocollants collés sur son frigo…

Interrogatoire d’Inès

Long retour sur son parcours, et multiples questions sur la maison de campagne en Creuse. Puis elle en vient aux faits et passe un long moment à revenir sur le contenu du sac.
Elle demande à Inès de s’expliquer sur l’origine de chacun des objets retrouvés dans le sac et d’expliquer les raisons de leur déplacement.
Après l’avoir bien cuisiné sur les différents composants chimiques, elle en vient à l’affaire de la dépanneuse.

http://pix.toile-libre.org/upload/original/1337511794.jpgInès

(J) Il existe une correspondance entre votre Adn et une des traces retrouvées sous la dépanneuse. Comment expliquez-vous cela ?
(I) Je n’ai rien à voir avec ces faits. Je ne peux pas expliquer la présence du cheveu. Un cheveu peut tomber partout, se déplacer. L’Adn, en tant que preuve, a beau apparaître dans des rapports scientifiques ce n’est pas pour autant la vérité absolue. Comment l’Adn pourrait-il faire le récit d’une scène d’infraction ?
(J) Il ne s’agit pas de cela. (I) C’est la seule preuve contre moi.
(J) Non. C’est associé au sac à dos que vous aviez avec vous ainsi qu’aux autres Adn identifiés. (I) C’est ce que disent les rapports.
(J) Pourquoi dites-vous « c’est ce que disent les rapports » ?
(I) Car je conteste l’utilisation de l’Adn en justice. Tout d’abord, comme je l’ai déjà dit, comment l’Adn pourrait-il faire le récit d’une scène d’infraction ? Ensuite, je peux laisser tomber mon Adn à plein d’endroits différents ; en plus, des personnes peuvent déplacer de l’Adn. Enfin, dans ces expertises, il y a différentes choses qui sont contestables : plusieurs erreurs sont possibles, que ce soit dans les fichiers, dans les manipulations. Je ne sais pas comment sont faites ces expertises, les bases de données ne sont pas détaillées. Je remets en cause l’Adn.
(J) Avez-vous déjà rencontré des victimes de viol, Mademoiselle, dont on ne connaîtra les auteurs que par ce procédé ? Je dis ça vu que vous êtes sensibles aux personnes en difficulté…
Huées dans la salle.

Puis la juge repart sur l’engagement politique d’Inès.
Elle en vient à parler de la première semaine de solidarité (question qu’elle abordera ensuite à maintes reprises).
(J) Que saviez-vous de cette mobilisation extérieure ? Étiez-vous au courant ? Qu’en pensez-vous ? Que pensez-vous du fait que certaines de ces manifestations soient accompagnées de dégradations ? N’y a-t-il pas une certaine récupération lors de ces débordements ?
(I) Je n’ai pas à porter de jugement là-dessus ; cela ne m’appartient pas.

Et rebelotte sur indymedia.

3e jour, mercredi 16 mai :

Interrogatoire de Javier

Après les questions d’usage sur sa vie, la juge entame directement l’interrogatoire sur l’Adn.

http://pix.toile-libre.org/upload/original/1337511877.jpgJavier

(J) Comment expliquez-vous que l’on retrouve votre Adn et sur la dépanneuse et à proximité de l’armoire électrique ?
(Ja) J’ai des difficultés à l’expliquer. Pour un stylo, j’aurais pu vous dire si c’était le mien ou pas. Je ne sais même pas quelle est la nature du prélèvement : si c’est un cheveu, ou une dent…
(J) C’est ni l’un ni l’autre.
(Ja) Dans tous les cas, j’ai du mal à l’expliquer. Vous faites confiance en une expertise scientifique. Pour moi, c’est un peu de la magie. Cela peut permettre de faciliter une accusation. J’ai peu confiance en la justice et en ses expertises scientifiques. L’Adn n’est en effet jamais décrypté dans sa totalité, cela prendrait bien trop de temps. En outre, tout homme partage 90% de son Adn avec le chimpanzé, 99,9% avec un autre homme. Et sur ces 0,1% restants, les experts n’observent que quelques bouts, ou loci. 16 en France. C’est seulement ces quelques points que l’on regarde. […]
(J) Il y aurait alors donc deux erreurs vous concernant ?
(Ja) Une seule pourrait suffire. Les scellés sont transmis par des hommes. Il peut y avoir plein d’erreurs à plein de moments de la procédure. […]
(J) Il y en aurait donc deux ?
(Ja) Pas forcément. L’erreur peut provenir lors de la retranscription de l’Adn. Et en plus, quand on demande aux experts d’analyser une trace Adn, c’est biaisé d’avance : on leur dit déjà ce qu’ils doivent trouver ; on leur envoie un scellé, et en même temps, on leur dit de vérifier que c’est bien mon Adn qui est dans le scellé.
(J) Ce n’est pas comme ça que cela s’est passé. Votre Adn a été envoyé à un fichier central.
(Ja) Dans ce cas, je ne comprends pas pourquoi mon Adn aurait été recoupé si tardivement. Le fichier central n’a fait le recoupement que des mois et des mois après avoir reçu mon Adn.
(J) C’est une observation pertinente que vous faites. Par contre, ce n’est pas vrai que nous ciblons. Pour la dépanneuse, on a encore deux Adn non identifiés ; pourquoi alors, si on suit votre raisonnement, on ne les a pas attribués à d’autres gens ?
(Ja) Ce n’est pas ça que j’ai dit. J’ai dit que c’est facile pour vous d’avoir cette preuve. Je dis que vous jugez selon votre intime conviction. C’est bien arrangeant d’avoir des preuves infaillibles. À d’autres époques, le criminel était jugé en fonction de la forme de son visage. Et je ne parle pas de manipulation ou de complot. Les scientifiques le disent : on peut exclure avec certitude, mais on ne peut jamais affirmer à 100% qu’une trace Adn retrouvée provient d’une personne précise. Du coup, on fait appel à des statistiques. Or il y a toujours des chiffres incroyables : un sur 20 milliards par exemple. D’où viennent ces chiffres ? De sondages ? Auraient-ils constitué des échantillons de plusieurs milliards de personnes ? Ou est-ce comme pour les présidentielles, on demande seulement à quelques personnes et on fait des déductions ?
(J) Arrêtez… Comment expliquez-vous qu’il y ait deux erreurs ?
(Ja) Par exemple, c’est déjà arrivé qu’on recherche pendant des années et des années une femme responsable de multiples crimes et cambriolages. Après une longue enquête, il s’est avéré que c’était en fait… une femme qui travaillait dans la confection des bâtonnets de prélèvement Adn. (…) De plus, les laboratoires d’analyse sont des laboratoires privés et leur objectif est de faire de l’argent. La justice délègue. Les labos veulent tellement vendre leurs bâtonnets, c’est pour ça qu’ils montrent des résultats si infaillibles.

Après ce long échange sur l’Adn, la juge en vient aux convictions politiques et aux liens avec les autres prévenus. Quand on l’interroge sur ses convictions politiques, Javier répond :
« Je ne crois pas que ce soit le bon endroit pour débattre de cela. Nous ne sommes pas à égalité. Ce que je vais dire va influencer ma condamnation. Vu que je n’ai pas participé aux sabotages dont vous m’accusez, il n’y a que mon opinion que vous avez, en plus de mon Adn. »

Puis elle repart sur Indymedia et la semaine de solidarité.

Les interrogatoires personnels se terminent. La juge prend des thèmes et interroge ensuite les prévenus un à un.

Pendant plus d’une heure et demie, elle lit différents procès verbaux.
L’un décrit la « Mouvance Anarcho-Autonome Francilienne » : nombre de membres, idées, type d’action… C’est une sorte de définition de ce que serait la « MAAF ».
Un autre présente une longue liste d’actions attribuées par la police à la MAAF. Elle décrit précisément la date, la nature des faits, et les personnes accusées quand c’est le cas.
Elle revient pendant des plombes sur la manifestation du 5 avril 2008. Il s’agit d’un procès verbal des flics qui suivent un groupe d’« anarcho-autonomes ».
Les avocats disent qu’on tente de charger leurs clients alors qu’ils ne sont pas accusés de ces faits.
Puis la juge lit un document descriptif concernant Indymedia et fait une liste d’autres médias.
Elle revient ensuite extrêmement longuement sur la semaine de solidarité sans frontière ayant eu lieu entre le 9 et le 16 juin 2008. Elle lit l’appel à cette semaine ainsi qu’une très longue chronologie détaillée trouvée sur Indymedia, ainsi que des commentaires des flics sur les différentes actions (par exemple, si elles ont été recensées ou pas).
Elle évoque aussi différents guides trouvés eux aussi sur Indymedia : guide sur la garde-à-vue (qu’elle juge « très pédagogique »), sur l’Adn, sur des lois sécuritaires… Elle évoque aussi « 10 jours d’agitation contre les lois antiterroristes » en janvier 2009.

Après ces longues lectures, la juge ré-interroge les différents prévenus.

Juge : Dans beaucoup de ces manifestations il est fait, dans les compte-rendus, référence à la notion d’  »anarchistes » et aussi à vous personnellement. Qu’en pensez-vous ?

Frank : Ça n’a pas grand chose à voir avec le terrorisme.
Juge : Le site utilise le mot « anarchistes ». Qu’en pensez-vous ?
Frank : Chacun peut mettre les catégories qu’il veut.

Inès : Je n’ai pas grand chose à en dire non plus. Je ne vois pas en quoi cela me concerne. Je ne suis pas responsable d’actes commis à des milliers de km et qui se sont déroulés lors de ma détention.
Juge : Oui, mais qu’en pensez-vous ?
Inès : Je ne veux pas m’exprimer là-dessus.

Damien : Je suis étonné que l’on passe 1h30 là-dessus. Vous tentez de faire un lien, comme si vous cherchiez à nous rendre responsables de tout cela.
Juge : Je ne fais pas ce lien. Qu’en pensez-vous ?
Damien : Chacun est libre d’exprimer sa solidarité de la manière qu’il le souhaite. Je n’ai pas à me prononcer là-dessus. C’est en constituant cette liste que les policiers construisent la MAAF.
Juge : Qui fait ce regroupement ? Ce n’est pas la police ni le tribunal ; c’est Indymedia.
Damien : Il y a des centaines de milliers d’articles sur Indymedia.

Son avocate dénonce l’utilisation d’Indymedia à charge contre les prévenus.

Ivan : Il explique comment dans le réquisitoire de fin d’instruction, le procureur établit comme un lien avec l’ETA le fait qu’il y a eu des actions de solidarité aux Pays Basques et combien c’est faux.
Puis il estime que c’est pour leur participation à des luttes qu’ils comparaissent au tribunal et que donc il trouve normal que des gens fassent preuve de solidarité.
Puis il réfute le lien entre tous les faits qui ont été listés auparavant, comme il n’y a pas de raison de les regrouper ainsi. Et qu’il n’est pas justifié par la police où s’arrêtent et où commencent les actions la MAAF.
Juge : Au PV.
Ivan : S’il n’y a pas de définition de la MAAF, d’où provient alors ce regroupement ? Personne ne s’en revendique. La justice n’est pas indépendante du pouvoir. Grâce au dossier, j’ai compris comment le fichier MAAF fonctionnait. Sur ce fichage anarcho-autonome (…), si des personnes sont arrêtées lors d’une manifestation en présence d’une personne fichée anarcho-autonome, alors ces personnes le deviennent aussi.

Bruno : Je n’ai pas grand chose à en dire. Chacun est libre de se solidariser à sa manière. La MAAF est une construction a priori. Je suis contre ce genre de liste.

Javier : Sur la semaine de solidarité, je ne suis pas poursuivi pour ces faits, je ne veux pas donner d’opinion politique.
Juge : Et concernant l’autre liste (celle des actions de la MAAF) ?
Javier : J’ai l’impression que vous défendez ce fichage des RG. Il devrait y avoir dans le dossier le descriptif de comment on se retrouve dans ce fichier.

http://pix.toile-libre.org/upload/original/1337512033.jpgL’huissier gothique

http://pix.toile-libre.org/upload/original/1337512058.jpgAssesseur no 1

http://pix.toile-libre.org/upload/original/1337512144.jpgAssesseur no 2

http://pix.toile-libre.org/upload/original/1337512301.jpgEt pour finir, cette saleté de proc’

Le procès a lieu à la 10e chambre du Palais de Justice de Paris, Métro Cité. Il reprendra les lundi et mardi 21 et 22 mai à 13h30. Un rendez-vous est prévu pour faire un point d’information à la fin du procès, le mercredi 23 mai à 19h30 au CICP (21ter rue Voltaire, Métro Rue des Boulets, Paris 11ème).

Solidarité avec les 6 camarades inculpés !

D’autres textes sur les premiers jours du procès à lire sur indymédia :

- Procès antiterroriste : premier jour agité
- (Mauvaises intentions) Le coupable est… indymedia !
- L’enfer des bonnes intentions
- Terrorisme, curcuma et crime par la pensée

Et bien entendu, beaucoup plus d’infos sur infokiosques.net/mauvaises_intentions et dans la brochure Mauvaises Intentions 3

Indymedia Paris, 20 mai 2012

………………..

Quatrième journée : les réquisitions

 

Procès de la “mouvance anarcho-autonome” : des peines de prison requises

À l’issue des débats, le procureur a requis des peines allant d’un an de prison dont six mois ferme à trois ans de prison dont un an ferme contre les six personnes accusées d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.

Dernières déclarations des prévenus avant le réquisitoire. Avant de laisser la parole au procureur puis aux avocats de la défense, les six prévenus ont l’occasion de rajouter quelques mots, de rectifier l’image d’eux-mêmes qui a émergé par bribes contradictoires au fil des débats. Après quatre ans d’instruction et trois après-midi d’audience, ils ont eu le temps d’y réfléchir et déclarent d’un ton posé :

Franck F. : “Ce que je pense n’est pas réductible à des étiquettes collées par le ministère de l’Intérieur. Dans cette “mouvance anarcho-autonome”, on peut faire entrer n’importe quoi, pourvu que ce soit à charge.”

Ivan H. reparle d’une interview donnée par la ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie en janvier 2008, où elle commente son arrestation. “Cela conforte tous nos propos sur la manière dont le dossier est construit.”

Ines M. : “S’il s’agit de réprimer des actes de sabotage ou des incendies pendant le CPE et la période électorale, des milliers d’autres actes ont été commis sans être répertoriés comme actes terroristes.”

Comme nous l’avons écrit lors des comptes-rendus d’audience précédents, les prévenus assument leurs opinions politiques et leurs engagements “contestataires” tout en niant les faits qui leur sont reprochés : avoir, de manière concertée, essayé de commettre plusieurs actes de sabotage en utilisant des engins incendiaires contre une armoire électrique de la SNCF (2006) et une dépanneuse de police (2007).

Les empreintes ADN d’Ines M., Javier M. (son frère) et Damien B. ont été retrouvées sur l’engin placé sous la dépanneuse de police. Celles de Javier M. se trouvaient également sur les lieux du sabotage SNCF. Trois prévenus sont aussi poursuivis pour refus de prélèvement ADN, même si, comme l’admet le parquet qui requiert la relaxe dans deux cas, les policiers ne leur ont pas demandé à tous leur consentement.

Hormis ce quasi-détail, le procureur Olivier Christen demande au tribunal de déclarer les prévenus coupables de tous les faits : association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste (pour les six), détention et / ou transport de matières explosives ou inflammables, fabrication d’engins incendiaires, selon les cas.

Dans son réquisitoire, il associe d’emblée les deux jeunes gens arrêtés ensemble lors d’un contrôle douanier à Vierzon, partis selon lui “mettre à l’abri la réserve de matières explosives” d’Ines M. après l’arrestation “de trois de ses amis” et coprévenus. Il décrit Ines M. et Franck F. comme des “adeptes de l’expression violente”. “C’est ensemble qu’ils ont décidé d’aller cacher ce matériel” pouvant servir à “des explosifs improvisés” et “des documents qui assoient cette volonté”, martèle le procureur.

http://pix.toile-libre.org/upload/original/1337512301.jpgOlivier Christen, procureur

Qualification terroriste maintenue

L’accusation n’est pas avare de commentaires pas sur les “effets potentiellement dévastateurs” des actes prévus. Si l’engin placé sous la dépanneuse avait pris feu, “en haut d’une rue à forte pente”, “l’ensemble des véhicules situés en contrebas” auraient pu s’enflammer, s’inquiète le parquetier. Quant à l’armoire électrique de la SNCF, son incendie aurait entraîné “le blocage de 200’000 personnes qui se rendaient au travail le matin”.

Il maintient donc la qualification terroriste des faits, considérant qu’une tentative d’atteinte aux biens (et pas aux personnes) entre dans le registre des actes qui visent “à troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur”. Et considère que les liens entre les prévenus, les similitudes entre les modes opératoires et les traces ADN retrouvées permettent de les déclarer coupables.

“Ces infractions qui paraissent distinctes sont liées les unes aux autres dans la même entreprise terroriste. […] Si les six prévenus ne se revendiquent d’aucun groupe, les actes reprochés ont été commis dans le même objectif : déstabiliser l’État. […] Que les prévenus n’aient pas réussi n’enlève rien à leur objectif.”

Le procureur “ne pense pas qu’il y avait un groupement formé, c’est-à-dire pérenne, mais une entente. Ils ont des relations étroites depuis 2006”. Il dégaine les manifestations auxquelles plusieurs prévenus ont assisté, des correspondances, des examens de leur trafic téléphonique.

Sont requis : trois ans de prison dont un ferme pour Ines M., trois ans de prison dont un ferme et deux ans de sursis avec mise à l’épreuve pour Javier M., deux ans de prison dont un ferme pour Damien B., deux ans de prison dont six mois ferme pour Franck F., un an de prison dont six mois ferme pour Ivan H. et Bruno L. Les peines requises couvrent quasiment la détention provisoire déjà effectuée par les prévenus. Les plaidoiries de la défense, déjà commencées ce lundi, clôtureront la dernière audience de mardi.

Presse terroriste (Camille Polloni, LesInrocks.com, 22 mai 2012)

……………………………………….

Cinquième journée : les plaidoiries

Dernier jour du procès antiterroriste : plaidoiries et atelier photo

Les avocats de la défense ont conclu ces cinq jours d’audience, dans le procès de six membres de la supposée “mouvance anarcho-autonome” poursuivis pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.

Les réquisitions du procureur, lundi, auraient pu susciter un léger soulagement chez les six prévenus : pour l’essentiel, les peines demandées ne dépassent pas les peines de prison qu’ils ont déjà effectuées en préventive. Mais les avocats de la défense ne se sont pas contentés de plaider le statu quo. Ils ont tous demandé la relaxe de leurs clients respectifs, en utilisant des arguments communs.

Contestation de la qualification terroriste

“Troubler l’ordre public par l’intimidation ou la terreur.” Cette définition assez floue du terrorisme en droit français laisse la porte ouverte à toutes les interprétations. Le procureur avait ainsi parlé des “effets potentiellement dévastateurs” des sabotages reprochés aux prévenus, contre une armoire électrique de la SCNF en 2006 et contre une dépanneuse de police en 2007. Des actes restés à l’état de tentatives, puisqu’aucun des deux engins incendiaires retrouvés n’a fonctionné.

La défense, contestant la qualification terroriste des faits (dont les prévenus ne reconnaissent pas la paternité), a voulu démontrer lundi et mardi l’illusion de ces “effets potentiellement dévastateurs”. “Hallucinante dérive”, pour Me Martinot, pour qui “cet engin ne peut pas terroriser quiconque”. “On ne peut pas se contenter de brandir le terrorisme, or c’est ce qui semble avoir été fait par le ministère public”, avance Me Charlotte Plantin, avocate d’Ines M. Son confrère, Me Michel, théâtral avec ses moustaches blanches arborescentes, renchérit :

“Vous parlez d’action terroriste pour avoir voulu mettre le feu à une voiture. Mais le premier janvier 2009, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, 1147 voitures ont brûlé. Je n’ai pas le souvenir que l’une des personnes arrêtées ait été incriminée pour des actes terroristes. On a quatre ans d’instruction et un an de préventive d’un côté, un fait divers de l’autre. […] Les définitions mondialement acceptées de la notion de terrorisme parlent toujours d’atteinte aux personnes.”

En ce qui concerne la tentative d’incendie sur l’armoire électrique de la SCNF, Me Di Mayo, avocate de Javier M., en tire les mêmes conclusions :

“L’incendie aurait déclenché une alarme et si l’armoire avait brûlé, un arrêt du trafic. Monsieur le procureur a parlé du blocage de 200’000 personnes dans des trains. Mais quand bien même, je ne vois pas l’effet dévastateur et l’intimidation. Il y a un certain opportunisme politique dans l’utilisation de cette qualification hors de proportion.”

Contexte politique

Chaque avocat de la défense, tout en martelant que “ce n’est pas un procès politique”, a fait allusion au contexte politique des arrestations, début 2008. On s’en souvient, la “mouvance anarcho-autonome” faisait son apparition dans la bouche de la ministre de l’Intérieur de l’époque, Michèle Alliot-Marie. Pour Me Michel :

“Anarcho, ça a toujours fait frémir le bourgeois. Autonome aussi. Tout ça est dans la mémoire collective. Le fait d’adjoindre les deux, c’est magnifique.”

Longuement commenté lors d’une précédente audience, le terme serait, pour Me Bedossa, symptomatique de “la création d’un ennemi de l’intérieur” doté d’une sorte de responsabilité collective dans la contestation. Plusieurs parlent de “construction” motivée par le fichage préalable de la plupart des prévenus par les Renseignements généraux.

“Leurs positions politiques communes viennent asseoir l’idée d’entente”, déplore Me Tort, avocate de Bruno L. :

“Vous avez à juger des individus et pas seulement un groupe, un sac. Bruno L. porte l’idée que nous ne traitons peut-être pas les étrangers de la bonne manière. Dans d’autres dossiers, ce sont des questions qui ne sont pas posées.”

Enquête à charge

Partant du contexte politique, les avocats dénoncent “une enquête à charge”. “Dès le début, les policiers sous le contrôle du parquet, ont voulu que ce soit un engin explosif”, dénonce Me Boesel, avocate d’Ivan H.. Me Michel, ironique :

“Ce type de services de police est là pour ça. D’une certaine manière, heureusement que ce type d’affaires existe pour justifier leur boulot.”

Le “procès de la solidarité”

“Votre décision aura une portée importante”, lance Me Bedossa à la présidente.

“C’est un enjeu pour une éventuelle jurisprudence. On reproche à mon client des amis, mais on ne cite pas ceux qui n’ont pas de conscience politique particulière. On lui reproche sa littérature. S’ils étaient condamnés, la liberté de penser ou d’agir n’existerait plus en dehors d’un parti, d’un syndicat ou d’une organisation reconnue.”

Me Boesel y voit “le procès de la solidarité” : “Vous avez la charge d’une politique de criminalisation des mouvements sociaux et de la contestation.” “Ce glissement m’inquiète”, affirme Me Martinot :

“On a voulu la stigmatisation des opinions dissidentes, intimider et réprimer les mouvements sociaux. La mouvance anarcho-autonome est une espèce de fourre-tout utilisé pour se débarrasser de cette contestation.”

Une photographe amatrice ?

Pendant que la défense revient sur les faits, reprenant point par point les arguments de l’accusation pendant toute l’après-midi sur les substances incendiaires, la fiabilité de l’ADN et le “fichage politique”, un incident (notamment signalé par Owni et par Mediapart) agrémente l’audience de la chambre correctionnelle voisine, la XVIIe. On signale à la présidente Sauteraud une intruse dans la salle des témoins.

Ceux-ci, s’apprêtant à se réunir dans leur salle, attenante à la XVIIe chambre, tombent sur une photographe un peu particulière. Munie d’appareils, elle shoote le “plateau correctionnel” à travers la vitre sans tain. Bizarre… la salle des témoins est pourtant gardée par un gendarme. Celui-ci aurait d’ailleurs demandé aux témoins de ne pas allumer la lumière évoquant la présence de “groupes de soutien“.

Justement, depuis le début du procès des “anarcho-autonomes”, les soutiens surnuméraires des prévenus se réunissent sur ce plateau correctionnel. Si les policiers du renseignement sont bien présents en nombre depuis le début du procès, la photographe discrète n’a pas décliné sa profession. Photographe de plateau correctionnel sans doute, il n’y a pas de sot métier. Le jugement sera rendu le 25 juin.

Mise à jour le 23/05 à 9h55 : La mystérieuse photographe appartient à la Direction du renseignement de la préfecture de police, comme celle-ci l’a confirmé à Europe 1.

Presse terroriste (Camille Polloni, LesInrocks.com, 23 mai 2012)

 

 


Procès antiterroriste pour 6 camarades du 14 au 22 mai 2012 à Paris

Posted: mai 3rd, 2012 | Author: | Filed under: Solidarité | Commentaires fermés sur Procès antiterroriste pour 6 camarades du 14 au 22 mai 2012 à Paris
Procès antiterroriste pour 6 camarades
du 14 au 22 mai 2012 à Paris
Appel à solidarité
Petit rappel des faits

Ivan, Bruno et Damien sont arrêtés en janvier 2008 alors qu’ils se rendent
à une manif devant le centre de rétention de Vincennes avec des fumigènes
artisanaux et des crève-pneus, qui deviennent pour la justice et les
médias une “bombe à clous”. Ivan et Bruno sont alors placés en détention
préventive et Damien sous contrôle judiciaire.

Quelques jours plus tard, Inès (*Isa) et Franck (*Farid) sont arrêtés lors
d’un contrôle des douanes à Vierzon en possession de manuels expliquant
des techniques de sabotage, du plan d’une prison pour mineurs et de
chlorate. L’antiterrorisme se saisit de l’affaire. Les flics prétendent
que l’ADN d’Isa correspondrait à une des 5 traces ADN présentes dans un
sac contenant des bouteilles d’essence, retrouvé sous une dépanneuse de
flics pendant l’entre-deux-tours des présidentielles de 2007.

Rapidement, ces deux enquêtes sont jointes en un seul dossier, instruit
par les mêmes juges antiterroristes. La police ratisse alors dans
l’entourage des personnes arrêtées et des personnes fichées
“anarcho-autonomes” pour tenter de trouver qui se cacherait derrière les
ADN manquants. Javier (*Juan), le frère d’Inès (*Isa), puis Damien (qui
avait été arrêté avec Ivan et Bruno) sont mis en prison pendant plusieurs
mois car leurs profils ADN correspondraient aussi aux traces retrouvées
sous la dépanneuse. Par ailleurs, en juin 2010, Javier (*Juan) a, en plus,
été mis en examen pour une série de sabotages par incendie sur des
armoires électriques de signalisation SNCF qui ont paralysé une partie du
trafic ferroviaire en 2006 pendant le mouvement "CPE". Son ADN aurait été
retrouvé sur le lieu d’une tentative de sabotage.

Inès (*Isa), Javier (*Juan), Damien, Ivan, Franck (*Farid) et Bruno ont
chacun fait entre 5 et 13 mois de détention préventive dans le cadre de
cette procédure. Et ils restent sous contrôle judiciaire jusqu'au procès
en correctionnelle.

Du 14 au 22 mai aura donc lieu le premier procès sous juridiction
antiterroriste de militants désignés comme appartenant à la « mouvance
anarcho-autonome ». Les six inculpés, comme des centaines de milliers
d'autres personnes, ont pris part aux différentes luttes sociales de ces
dernières années : mouvement "CPE", révoltes lors des élections
présidentielles de 2007, luttes contre l'enfermement des sans-papiers et
pour la liberté de circulation... De manifs sauvages en sabotages, la
conflictualité qui s'exprimait dans ces luttes débordait souvent du cadre
légal ou des habituelles médiations politiques et syndicales. Et quand ça
remue, l'Etat cherche à punir un petit nombre pour faire peur à tous : par
la police et la justice, il tente toujours de séparer les "bons
manifestants" des "vilains casseurs", d'isoler les actes du contexte dans
lequel ils s'inscrivent, et de finalement diviser pour mieux régner. Et ce
qui est attaqué là, c'est aussi un ensemble de mauvaises intentions et la
tentative de les mettre en pratique de manière autonome.

Séparer. Il suffit d'assister à une comparution immédiate pour voir que
les pauvres et les marginaux sont toujours présumés coupables et très
souvent condamnés : la culpabilité et l'innocence sont les deux grands
concepts utilisés jour après jour, du bureau du procureur à la salle
d'audience, pour maintenir l'ordre social. Ces notions ne peuvent pas être
les nôtres. Et chercher à s'en sortir face à la Justice ne signifie pas
renier ses idées et ses pratiques.
Isoler. La Justice nous contraint à rentrer dans une temporalité qui lui
est propre : celle de l'instruction, de la prison, du contrôle judiciaire
et du procès. Ce temps judiciaire permet non seulement d'isoler
concrètement les inculpés en les enfermant, mais aussi de les maintenir
sous pression - par un contrôle judiciaire avec interdicion de se voir les
uns les autres, par exemple. Enfin, l'instruction est chargée d'établir
des profils qui participent à différencier les peines voire à faire de
certaines d'entre elles des peines exemplaires.
Diviser. Des squatteurs des cages d'escaliers aux manifestants, se
regrouper ou s'organiser collectivement représente une menace potentielle
pour le pouvoir. Les accusations d'"association de malfaiteurs", "bande",
"en réunion" sont de plus en plus utilisés comme des "circonstances
aggravantes" : cela permet d'alourdir les peines et d'inciter les gens à
rester atomisés. C'est dans cette même logique qu'opère la juridiction
antiterroriste utilisée par l'Etat, au gré des intérêts politiques du
moment, pour rejeter du "corps social" ce qui dérange, et neutraliser des
pratiques et pensées qui sortent du cadre institutionnel.

Pour autant, les mécanismes de la Justice ne sont pas les seuls outils du
pouvoir à devoir être critiqués et combattus. De multiples dispositifs et
institutions participent tous les jours à maintenir l'ordre social et
l'exploitation : du crédit aux antidépresseurs, du salariat aux contrôles
CAF, de l'école à l'armée... Mais il n'y a pas qu'en Grèce que des
milliers de personnes refusent l'horizon qu'imposent le capitalisme et
l'Etat. Et ce qui se jouera au Tribunal n'est pas un rapport
interpersonnel entre les inculpés et les juges, mais un moment de la lutte
entre la classe des possédants et les exploités, un moment de la lutte
entre l'autorité et les récalcitrants. Exprimer sa solidarité c'est
s'inscrire dans cette lutte.

Solidarité avec les inculpés !
Plus d'infos sur la page de "Mauvaises intentions":
https://infokiosques.net/mauvaises_intentions



A l'occasion de la parution du recueil de textes Mauvaises Intentions 3,
un concert de solidarité aura lieu le vendredi 11 mai à la Parole Errante,
9 rue François Debergue, Montreuil ( Croix de Chavaux)

    * à partir de 18h30 : point d'info et présentation.
    * 20h Concert avec les Louise Mitchels, Tweez, Pierre & Bastien, et
Gommard.

Bouffe et entrée à prix libre.
Pour les soutenir financièrement : chèque à l'ordre de "LES" à envoyer au
CICP Mauvaises Intentions 21 ter rue Voltaire, 75011 Paris
 

			 

[Débat] Les luttes anticarcérales depuis les années 80 – 17 mars 2012

Posted: mars 9th, 2012 | Author: | Filed under: Poitiers, Prison | Tags: | Commentaires fermés sur [Débat] Les luttes anticarcérales depuis les années 80 – 17 mars 2012

Débat/Projection anti-carcéral le 17 mars à Poitiers


Dossier Vitalis

Posted: janvier 25th, 2012 | Author: | Filed under: Environnement et écologie, Poitiers, Transports, Urbanisme/aménagements du territoire | 1 Comment »

Retour sur les agressions dans les bus Vitalis

Vous l’avez peut être entendu, lu ou vu cette année, il y aurait eu une hausse des agressions physiques et verbales envers les  contrôleureuse-s et les conducteur-trice-s de bus du Vitalis (Régie des Transports Poitevins) de la communauté d’agglo poitevine (CAP, nouvellement rebaptisée «Grand Poitiers» pour l’entrée dans l’ère de la métropolisation –cf.J-P Garnier-), Vitalis. Au total, ce sont trois agressions très médiatisées qui ont poussé les salariés de Vitalis à faire prévaloir leur droit de retrait, c’est-à dire de cesser subitement de travailler.
Nous ne souhaitons pas rentrer dans les détails de ces paroles et gestes de mépris et de haine envers des personnes ayant une  autorité sur le quotidien de milliers de personnes chaque jour. Car effectivement, il faut que les usagers leur rendent des comptes, ce qui signifie montrer patte blanche à chaque montée (ou bien descente) dans le bus, comme par exemple acheter un ticket, montrer son pass-bus etc… Cependant, nous tenterons de montrer que derrière les prérogatives du «droit de retrait», les réactions émotives et solidaires des collègues de boulot se cachent des raisons un peu plus complexes : c’est l’enjeu des rapports de force au
sein de la société Vitalis, et des rapports qu’elle entretient avec ses usagers-habitants [de l’agglomération poitevine] au sein du vaste projet de rénovation urbain Coeur-d’agglo.

Vitalis et le « management Veolia»

[Peu avant la diffusion  du journal nous avons appris que Veolia opère une nouvelle stratégie du groupe (qui signifie caprice des actionnaires) en voulant délaisser le secteur des transports collectifs pour se recentrer sur l’eau et l’Énergie.
Nous suivrons cela de plus près (source presse rapine : Les Echos)]

Nom donnée à la régie des transports des transports poitevins depuis le 1er janvier 2004 pour toute la communauté d’agglomération poitevine. C’est une société d’économie mixte : c’est à dire gérée à la fois par le privé et par les autorités publics, en l’occurrence pour Poitiers, c’est la communauté d’agglo qui décide de la stratégie économique et de la politique tarifaire à mener.
Or depuis quelques années, on a entendu ici et là quelques voix dissonantes au sein de Vitalis. Celles-ci critiquent les  transformations de l’organisation du travail. Et pour cause, depuis 2009, Vitalis a un nouveau directeur en la personne de Thierry Wischnewski. Ce dernier, a un CV bien fourni, puisqu’il a été a maintes reprises à la tête de plusieurs compagnies privés de  transports de voyageurs : dans la région rouennaise (TCAR), en région parisienne (STRAV) ou bien encore dans la région bordelaise (Veolia Transport Bordeaux). Transfuge de Veolia-Environnement (ex Compagnie générale des eaux, ex Vivendi, est une multinationale qui s’est spécialisée dans les services que l’Etat lui a cédé peu à peu ces dernières années : eau, propreté, énergie et transports) Monsieur Wischnewski débarque avec des nouvelles techniques de gestion des travailleurs du secteur public, c’est-à-dire le management public. C’est une gestion particulière, d’inspiration néo-libérale de l’entreprise, assez brutale dans la mesure où sous couvert d’optimisation et de performance (zéro défaut…) du réseau de bus, on exerce une pression sur les travailleurs. C’est assez paradoxal étant donné que des mots comme « polyvalence »,« autonomie» ou bien « d’élargissement des tâches et des compétences » sont mis en exergue quand bien même la hiérarchisation s’est accrue. Ce qui met les salariés sous  pression et les rendent responsables de tout ce qui arrive dans leur travail. Cette nouvelle forme déstabilise de fait, un grand nombre de salariés en remettant en cause leur savoir-faire et acquis de leur expérience professionnelle. Par ailleurs, on peut souligner la stratégie économique de Veolia-Transport dans la région : la multinationale gère déjà une partie des transports dans la campagne aux alentours de Poitiers (par exemple pour les bus scolaires) et elle réussit à installer « un homme-lige » à la tête de Vitalis [1]. A terme, il est évident que Veolia souhaite avoir un rôle prépondérant dans les transports collectifs dans la région.

« Sécuriser » à tout prix

Les techniques de management ne touchent pas seulement les salariés : elles ont bien évidemment une incidence sur les usagers. Thierry Wischnewski a une conception bien particulière de la sécurité, puisqu’il a prôné l’instauration des caméras de surveillance et leur généralisation dans tous les bus de la régie. C’est pourquoi, depuis plus d’un an maintenant, il y a trois caméras par bus dans les 130 que possèdent Vitalis ; faites les comptes, c’est énorme [2] ! De plus, ces caméras s’accompagnent d’un petit message qui cache mal le cynisme d’une telle décision : « Souriez, vous êtes filmés » – un détournement publicitaire qui fait référence
à l’association portant ce nom et réunissant des personnes actives contre la vidéosurveillance, les technologies du contrôle sécuritaire de la population et autres pratiques orwelliennes [3]. Soulignons que c’est avec l’aide de l’agence-conseil en  communication au doux nom de Bluecom que Vitalis fait sa propagande.


Ce flicage de la part des conducteurs et donc des usagers est la conséquence d’un rapport de force plus défavorable face au patronat au cours des dernières années. Dans les années 70-80, il y avait encore des formes de résistance aux contrôles des  usagers de la part des conducteurs de bus. Le recul de la conflictualité des bastions ouvriers traditionnels, l’installation d’un chômage de masse et la spectacularisation du débat sur l’insécurité à des fins électorales, ont facilité l’accroissement des dispositifs législatifs de contrôles comme par exemple, l’instauration de la Loi Sécurité Quotidienne en 2001 (sous gouvernement socialiste)
puis celles ajoutées par la majorité au pouvoir depuis 2002-2003. Ainsi,avec la crise, les comportements autoritaires,  disciplinaires et de mise au pas de la part de certains conducteurs et contrôleurs sont plus favorisés.
C’est pourquoi, il n’y a là rien d’étonnant de la part de Wischnewski, car il n’en est pas à son premier coup en matière de flicage de transports collectifs. En 2001, lorsqu’il était directeur de la STRAV (Société de transport automobile de voyageurs) de Brunoy (Essonne, en Ile-de-France), il a également généralisé la mise en place de caméras dans les bus (130 bus…) [4]. Ceci était passé sans trop de résistance, et pour cause : il paraît que les conducteurs de bus en voulaient. Intéressant de voir comment les conducteurs, avec l’assentiment intéressé de leur patron, croient en les vertus de la surveillance pour ne plus être agressés dans les bus, et pour renouer la confiance avec les usagers. Cette hystérie sur les caméras en dit long sur la peur entretenue grâce aux médias, mais aussi sur une certaine coupure entre les travailleurs de Vitalis et une partie de la population. Elle a eu son point d’orgue l’an dernier, avec la propagande contre la fraude qui a fait suite à une campagne pour la gratuité des transports poitevins rappelant la propagande gouvernementale antifraude de la Sécu sur les ondes hertziennes…


Ne soyons pas dupes, il y a une corrélation entre les projets de rénovation urbaine Coeur d’agglo, la ligne LGV Sud Europe Atlantique (sans oublier le projet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes) et le réaménagement des lignes de bus, la propagande antifraude et les velléités d’intimidation voire la vaste opération de police et d’aseptisation de la ville de Poitiers.
De même qu’il y a une corrélation entre le fait que Vinci s’implique dans Coeur d’agglo et l’arrivée de Wischnewski comme manager aux méthodes autoritaires de Vitalis : les grandes multinationales s’entendent [5]…

A défaut de faire grève….

Les revendications sécuritaires, voire carrément  réactionnaires des conducteurs/contrôleurs de bus pour plus de sécurité donc plus de flicage des usagers nous font horreur. Ce qui nous intéresse en particulier, ce sont les interruptions de travail! Pourquoi attendre une agression d’un collègue pour se réunir, se retrouver et discuter de bien de choses autres que l’agression?
Parler du pourquoi, il y a plus de en plus de personnes qui fraudent dans les bus, pourquoi les relations sociales interpersonnelles, à certains égards, dans une ville comme Poitiers se sont tendues? Pourquoi il y a de plus en plus d’actes relevant de l’illégalisme dans la ville « bonhomme » ? Parler aussi des conditions du boulot, des relations avec le directeur de Vitalis etc.
Par conséquent, ces différents arrêts de travail en cas de « danger grave et imminent » relevant du « droit de retrait » [6],  paraissent comme une arme face à la routine de la quotidienneté d’un conducteur de bus (plus efficaces que les blocages lors du mouvement contre les retraites en automne 2010). C’est en quelque sorte une façon détournée de faire grève et éclaire sur le degré de conflictualité de basse intensité au sein de Vitalis. En l’occurrence, c’est le syndicat SUD, qui a depuis plus d’un an dénoncé un « climat tendu » à Vitalis [7]. On aimerait bien qu’il dénonce également l’exploitation des taulards : Vitalis faisant faire les cartes abonnements aux taulards de la région…

La gratuité comme remède?

Face à un monde où tout devient marchandise, même un simple déplacement pour aller faire les courses, aller aux bahuts, au cinéma ou bien pour aller dans une boite d’intérim pour trouver un job, il est plus que nécessaire d’affirmer la gratuité des  transports publics au sein de la CAP , quitte à faire raquer les bourges. Ceci dit, dans l’urgence, plusieurs dizaines de personnes fraudent, elles n’attendent pas l’aval d’un conseil municipal ou général pour attendre la gratuité. Malgré la propagande sur  dispositifs antifraudes (plus de contrôles) et sécuritaires (comme par exemple faire suivre noctambus par un véhicule de  controleurs), la fraude va bon train. Il n’y a pas de volonté politique au niveau local pour vouloir le réseau gratuit à quelque exception près [8].C’est peut-être l’occasion, en ces temps de où boucler les fins de mois deviennent plus difficile qu’à l’accoutumé pour de nombreuses personnes de lancer une initiative telle qu’une «mutuelle de fraudeurs» comme il en existe dans de nombreuses villes ? Si Vitalis veut moins de fraudes, elle n’a qu’à baisser les prix des abonnements à l’année. Ces derniers ont, par exemple pour les jeunes, augmentés, les conditions d’accès à un abonnement à un prix raisonnable pour les chômeurs et précaires se sont durcies. Alors que la direction de Vitalis ne s’étonne pas de la fraude comme acte de «ne pas payer pour se déplacer», pour vivre tout simplement.

[1] Veolia-Transports/ Poitou-Charentes
[2] Transports Publics « La sécurité avant tout », 7 à Poitiers
[3] http://souriez.info/
[4]Les bus du Val-d’Yerres équipés de caméras, le parisien
[5] Article/ Eclairage : Comment Vinci prépare le plus grand chantier d’Europe, Le moniteur
des travaux publics et des bâtiments, 24/06/2011
[6] « Droit de retrait » voir site http://www.legifrance.gouv.fr/
[7] Tract du syndicat SUD : http://www.npa86.org/IMG/pdf/SUD_VITALIS.pdf
[8] Pourquoi les bus Vitalis ne sont-ils pas gratuits?, Nouvelle République, du 30/11/09

Mettre les B.H.N.S, H.S.

Les Bus à Haut Niveau de Service devraient être mis en place d’ici quelques années au sein du « Grand Poitiers », le projet regroupant 3 lignes à haut niveau de service avoisinerait les quelques 300 millions d’euros ( mise en place de la voierie, des infrastructures, achats des bus haut de gamme…). Un investissement économique lourd pour l’agglomération poitevine, mais qui ne sera pas sans bénéfices sur son économie. C’est en effet un projet à long terme s’inscrivant pleinement dans le plan urbain de « Grand Poitiers » et de son « Coeur d’Agglo » si cher à notre bon Maire. La ville Bonhomme et son agglomération étant dans un processus de métropolisation, où la mobilité, l’accessibilité sont de rigueur; les BHNS agrémentent entièrement ce dessein.
Les Bus à Haut Niveau de Service font partie des TCSP (les Transports en Commun en Site Propre), on les retrouvent aux cotés des métros et autres tramways. Ces TCSP sont déjà en place depuis plusieurs années dans les grandes villes de France, mais les nouvelles « grandes agglomérations » françaises en vue de métropolisation et en concurrence entre elles considèrentces moyens de transports comme un atout indéniable dans leur restructuration urbaine. Il n’est donc pas étonnant de voir afficher dans « Poitiers Magazine » d’Octobre 2009 au sein d’un dossier consacré aux déplacements. Malgré cette compétition, les différents projets de BHNS et plus globalement de TCSP, s’inscrivent dans un processus global et commun à l’ensemble des différentes « grandes villes » ou autres « grandes agglomérations », une mobilité rapide et régulière, un accès facile et sans encombres à différents pôles de commerces et autres lieux deconsommation, ou bien encore à divers centres de divertissement où la « Culture » y sera dispensé sans vergogne. A Poitiers ces BHNS s’entrecroiseront en centre ville, draguant les quartiers et autres communes résidentielles de l’agglomération Poitevine, cherchant bien sûr à attirer une population ayant délaissé ce dernier en faveur de différents grands centre commerciaux de la périphérie, facilitant son accès aux touristes…Vitalis sera bien sûr bénéficiaires de ce projet, complétant son parc avec des bus haut de gamme, permettant à l’entreprise d’augmenter ses tarifs, de renforcer les contrôles (d’autant plus facile par la création de 1 ou 2 pôle/ parcobus où quasi l’ensemble des bus passent), de concurrencer d’autres réseaux de transports français.Ne nous laissons pas leurrer par cette « accessibilité » pour les quartiers populaires, ainsi que par la « modernité verte », vendu à coups de pseudo « développement durable » et autre « zone verte » et « site propre ». Ces Bus à Haut Niveau de Service ; tout comme la LGV Poitiers/ Limoges, la LGV SEA, constituant « l’étoile ferroviaire Poitevine » ; s’inscrivent dans une société où l’accessibilité, la mobilité, la rapidité, les échanges commerciaux, le consumérisme sont de mise.


Question urbaine ou question sociale? Morceaux choisis de la rencontre avec Jean-Pierre Garnier

Posted: janvier 21st, 2012 | Author: | Filed under: Entretien, Poitiers, Urbanisme, Urbanisme/aménagements du territoire | Commentaires fermés sur Question urbaine ou question sociale? Morceaux choisis de la rencontre avec Jean-Pierre Garnier

Le 3 juin dernier, nous avons eu le plaisir d’accueillir Jean-Pierre Garnier pour une rencontre/débat autour des questions d’urbanisme. Cette rencontre fut avant tout l’occasion de discuter et disséquer avec l’auteur du livre Une violence éminemment contemporaine… le phénomène urbain pictave « Cœur d’agglo ». Nous vous proposons ici une retranscription partielle de cette rencontre. La version audio est également disponible ici.

Quand il est question d’urbanisme, on utilise un langage qui ressemble beaucoup à un jargon et donne l’impression qu’il s’agit là de problèmes réservés à des experts, des spécialistes, et que la majeure partie de la population ne pourrait pas comprendre de quoi il est question. Cela est à mon avis est un pur bluff idéologique. Ce qui se passe dans les villes en France – et ailleurs, mais on va s’intéresser particulièrement à la transformation des villes françaises – est parfaitement compréhensible du point de vue politique sans utiliser ce jargon destiné à intimider, et finalement à réserver à des spécialistes le discours sur les transformations urbaines. Quand je dis spécialistes, c’est non seulement des enseignants, des chercheurs, des architectes, des urbanistes, mais aussi des élus locaux, des politiciens et des journalistes spécialisés.

J’ai fait un tour, juste avant ce débat, dans le centre de Poitiers, qui est en pleine « mutation urbaine » – et j’utilise déjà, en employant cette expression – un langage volontairement spécialisé. Dans les milieux qui interviennent sur l’espace urbain, on parle beaucoup de « mutation urbaine » pour qualifier les transformations actuelles qui affectent les villes, alors que le mot « mutation » est un concept qui vient de la biologie. Appliquer ce terme aux villes donne l’impression qu’il s’agit de phénomènes naturels, quasi irréversibles, qu’on ne peut pas discuter. Certains élus locaux disent : « On transforme les villes parce qu’il faut s’adapter aux mutations actuelles de la société en général, et que ces mutations doivent se traduire dans l’espace. » Parmi ces transformations, il y en a qui portent sur le centre des agglomérations, appelé le « cœur des villes ». Là aussi, le mot « cœur » est extrêmement  douteux dans la mesure où cela connote quelque chose d’affectif ; quand on dit cœur, on pense à des sentiments, à l’identité des habitants, etc. En fait, il s’agit de transformer les parties centrales des agglomérations, notamment les centres historiques. Dans quel sens ? Ce que j’ai pu entrevoir, au cours de ma courte promenade dans le centre de Poitiers, c’est ce que l’on peut observer depuis maintenant une trentaine d’années dans la plupart des centres-villes français – mais pas seulement : on l’observe aussi dans le centre des villes espagnoles, anglaises, allemandes, voire de certaines villes américaines ou portugaises… Il s’agit à la fois d’une transformation physique, spatiale, matérielle et d’une transformation sociale.

La transformation spatiale est désignée dans le langage appelé (à l’extrême gauche, disons) la novlangue : à savoir ce langage du pouvoir, qui est destiné à valoriser ce qu’il se passe, ainsi qu’à masquer les enjeux réels et la logique de classe qui est derrière, par différentes appellations. Quand on parle de « transformation en cours dans les centres », on parle de restructuration, de rénovation, de réhabilitation, de renouvellement urbain, de revitalisation, de régénération. Tous ces mots-là se rencontrent dans les discours aussi bien des élus locaux que des spécialistes, des experts, des journalistes, etc.
Physiquement, il y a en effet transformation. Mais qu’est-ce qui se cache derrière ?
C’est une dynamique qui tend – et réussit, il faut le dire – à transformer des cœurs de ville délaissés, abandonnés pendant très longtemps (les gens plus jeunes n’ont pas connu ça) parce que considérés comme correspondant à des périodes révolues. On les a laissés se dégrader, tomber parfois en ruine, parce qu’il y a eu une époque – qui a duré jusqu’au début des années 70 – où la modernisation de la France passait par la modernisation des villes.
Il y avait alors deux phénomènes : on construisait à l’extérieur des centres-villes, et on détruisait à l’intérieur des centres-villes. On détruisait par exemple ce qu’on désignait comme des « îlots insalubres », un habitat dégradé : il fallait moderniser tout cela en y implantant des édifices nouveaux – en général flambants neuf, de style rectangulaire ou carré, avec des nouveaux matériaux. Et la doctrine était un peu, si je peux adapter ici une parole de L’Internationale : « Du passé, urbain, faisons table rase ». Moderniser la ville, ça voulait dire y faire pénétrer plus facilement l’automobile, y mettre des bâtiments adaptés à des fonctions nouvelles… donc on ne se préoccupait pas du tout du tissu urbain ancien. Mais à partir des années 70, avec l’arrivée de Giscard d’Estaing à la présidence de la République, on a changé complètement de cap en France : la mode a été de régénérer, revitaliser, conserver, réhabiliter, rénover, les centres anciens. Et ce pour deux raisons.
La raison officielle était : « Il y a un patrimoine à préserver afin de consolider ou de renforcer l’identité des villes », parce qu’on s’apercevait que l’architecture dite moderne était complètement stéréotypée, standardisée. Elle ne permettait pas de distinguer les villes les unes des autres, alors que les habitants avaient besoin de retrouver leurs racines, de s’approprier ou se réapproprier leur ville en exhumant du passé et en restaurant, en consolidant… ces traces du passé. « Il faut retrouver un urbanisme à la française », « Il faut rompre avec cet urbanisme importé des Etats-Unis, anonyme, où l’on retrouve les mêmes édifices partout, les mêmes supermarchés, autoroutes, parkings… ». Il fallait au contraire restaurer le passé, pour regarder vers l’avenir avec une France qui devait être fière de son passé – mais, ce discours, on le retrouvait aussi en Italie, en Espagne… Bref, plutôt que de faire table table rase du tissu urbain ancien, on a au contraire essayé de le restaurer.,
Mais la véritable raison était tout autre : il s’agissait de chasser vers la périphérie les couches populaires qui habitaient au centre-ville, pour y faire venir principalement des cadres, des classes moyennes aisées… Avant, quand on voulait se débarrasser des vieux quartiers des centres-villes (pas ceux classés monuments historiques et utiles pour faire venir des touristes et donc enrichir la ville), c’était pour les remplacer par des « immeubles de standing », des équipements commerciaux modernes. Pour faire ces « immeubles de standing », on a détruit en France dans les années 50 et 60 plus de centres-villes que les bombardements américains pendant la guerre (qui en ont pourtant détruits pas mal : au Havre, à Brest, Lorient, Royan…).
A partir des années 70 donc, changement radical : on cherche à réhabiliter en parlant de « patrimoine », et à valoriser (traduire « faire du fric ») en multipliant les investissements dans les anciens quartiers populaires, afin qu’ils accueillent désormais des classes moyennes aisées, en général cultivées et appréciant beaucoup l’ambiance des centres-villes (notamment ceux qui renvoient à un passé historique prestigieux).
Ces opérations sont soit réalisées, soit en cours. Je l’ai ainsi vu à Poitiers, où on s’amuse à « piétonniser » les places, à y planter des arbres et y mettre de nouveaux lampadaires (fréquemment de style rétro), à donner la priorité aux espaces publics qui accueilliront des manifestations diverses mais généralement culturelles et festives. Tout cela permet d’augmenter le prix des loyers et des ventes d’appartements pour tous les immeubles bordant ces espaces publics réhabilités – et a pour conséquence de chasser des centres les classes populaires. C’est une logique que l’on retrouve partout : aussi bien à Paris dans les arrondissments du 19e et du 20e, qui sont des quartiers prolétaires traditionnels, qu’au centre de Grenoble, de Toulouse, de Lille… Aujourd’hui, le centre de Lille est réservé à des gens qui, par leurs salaires et revenus réguliers, peuvent « se payer » le centre, tandis que les employés, sans parler des gens au chômage, sont expulsés vers la périphérie.


Ce qui se passe à la périphérie des villes doit être mis en rapport avec ce qui se passe au centre.
La principale dynamique menée vise à délocaliser en périphérie les activités non rentables ou peu rentables ainsi que les populations dites non solvables, afin de réserver à une élite l’accès à la centralité urbaine. Et cette politique est la même que la municipalité soit de gauche (institutionnelle) ou de droite.
La seule ville qui échappe actuellement à ce phénomène en France, mais ce n’est qu’une question de temps, c’est Marseille : on note encore dans son centre-ville une présence dominante des classes populaires (ouvriers et employés, avec en plus une forte population d’origine immigrée pour l’essentiel de la deuxième et la troisième génération), malgré toutes les manœuvres de la municipalité de droite actuelle, avec Jean-Claude Gaudin. Pourquoi cette exception marseillaise ? Tout simplement parce que les bourgeois marseillais ont peur d’habiter au centre : ils trouvent que c’est dégradé, dangereux ; ils ont leurs beaux quartiers au sud de Marseille, ou alors en périphérie (dans les collines aixoises par exemple), alors ils ne voient pas pourquoi ils iraient dans le centre. C’est donc la réticence des classes aisées à venir habiter dans le centre de Marseille qui explique l’insuccès des politiques dites de réhabilitation concernant son centre-ville – contrairement aux autres villes.

Aux Etats-Unis, on parle sans euphémisme de « nettoyer les centres-villes ». C’est non seulement un simple nettoyage physique, mais aussi un nettoyage social : on déloge toutes les populations pauvres. En France, une certaine « tradition de gauche » fait que, même lorsque l’on mène une politique de droite, on ne peut pas utiliser des termes trop crus pour la désigner ; alors on ne parle pas de « nettoyage », mais de « mixité sociale », il faut mélanger des riches avec des pauvres. D’ailleurs on ne dit pas « riches » et « pauvres » : dans le langage officiel, on parle pour les pauvres de « catégories modestes », « populations vulnérables », « couches défavorisées » – et pas du tout de « prolétaires », « classe dominée », « classe exploité »e.. : ça c’est du langage marxisant, extrémiste. Bref, on utilise toujours des euphémismes pour atténuer la violence des rapports sociaux, qui existent sur les lieux de travail mais aussi sur les lieux d’habitation.

Le capitalisme s’est transformé : on n’est plus à l’ère industrielle classique, le capitalisme s’est technologisé, financiarisé, flexibilisé… Son inscription dans l’espace n’est de fait plus la même : si l’idée est toujours de dominer l’espace urbain, ses impératifs ont changé et sa logique n’est plus la même. La finalité principale de la « reconquête des centres-villes » (une expression peu souvent utilisée parce que « conquête » implique affrontement, ennemis, c’est un terme trop belliqueux alors qu’il n’y a officiellement pas d’ennemis), c’est la « métropolisation ». Autrement dit, la tendance lourde et dominante à la concentration, dans quelques villes, des activités décisionnelles, de commandement, de direction : sièges sociaux, quartiers généraux des firmes (ou de leurs succursales, avec les services correspondants). En termes techniques, on qualifie de « polarisation spatiale » cette concentration dans certains pôles urbains des activités décisives et fondamentales pour le fonctionnement du système capitaliste. Et, à cette fin, les villes sont triées sur le volet : peut d’entre elles peuvent le faire. C’est donc la course, la concurrence, la compétition entre les villes pour attirer les sièges sociaux, les promoteurs, les patrons de firmes, et ce qui va avec : laboratoires, centres de recherche, toutes ces activités sur lesquelles repose la logique du capitalisme.
Il faut que les villes soient accueillantes pour ces activités-là. Mais le problème, à l’heure actuelle, c’est que la ville au sens classique du terme (la commune) n’est plus assez grande pour accueillir toutes ces activités. Il faut donc l’élargir : alors qu’avant on pouvait caser tout ça en centre-ville, ce n’est plus possible, et la politique urbaine est de ce fait envisagée au niveau de l’agglomération – c’est-à-dire de la ville-centre (la ville principale) et de ses communes proches (les banlieues). Et on essaie même maintenant de capter aussi dans cette « métropole » certaines zones rurales en les urbanisant, certaines petites villes éloignées pouvant ainsi accueillir les nouvelles populations… Il existe, on le voit donc dans les sociétés capitalistes tant une division sociale du travail qu’une division sociale urbaine.

Mais certaines activités importantes pour les capitalistes ne peuvent être mises au centre des villes et doivent être installées dans sa périphérie immédiate. Par exemple les centres de recherche, laboratoires, industries de pointe, universités, grandes écoles… On crée des campus, ce qu’on appelle des « pôles de compétitivité » et qui permettent la jonction entre la recherche, l’enseignement supérieur et l’industrie dite « innovante », et c’est ça qui forme les « noyaux » de la métropolisation.
Dans les années 80, on appelait « technopoles » ces villes qui accueillaient à la fois des étudiants, des ingénieurs, des cadres et des enseignants. Les technopoles, très en vogue, étaient ces villes dont la dynamique reposait sur la « synergie », la « combinaison », l’« interaction » de l’enseignement, la recherche et l’industrie de pointe., l’objectif étant la combinaison de ces trois éléments en un même lieu.

Si les maires font tous la même politique, c’est qu’ils sont tous soumis à la même logique, celle qui régit tous les rapports sociaux dans toutes les sociétés capitalistes. Et cette logique a été résumée par une formule qui avait été inscrite dans le projet de traité constitutionnel européen refusé par 54 % des votants : la « concurrence libre et non faussée ». Cette formulation, on la doit au staff du père spirituel de cette Constitution : VGE, qui continue à 81 ans de sévir comme idéologue du libéralisme avancé, la « concurrence libre et non faussée » s’appliquant aux individus, aux entreprises, dans tous les domaines…

On note également une compétition entre villes pour accéder au rang de métropole, et la logique est effectivement la même dans toutes les villes : il faut restructurer le centre de toutes les villes pour qu’il accueille les activités dites supérieures, « nobles », de commandement. Les activités subalternes, le commerce quotidien, le logement pour les couches populaires : tout ça, c’est en périphérie. Et le caractère élitiste de cette centralité urbaine se renforce, à travers la revitalisation du patrimoine (car la carte culturelle est importante maintenant : ce qui se vend bien, c’est le passé, la culture, donc il faut mettre en valeur tout ce qui renvoie à la culture, au passé, à l’histoire, aux grands faits d’armes…), et aussi par le recours à des architectes internationaux, des stars de l’architecture qui peuvent renforcer l’histoire de la ville quand on met en place un équipement nouveau. On a créé des départements ou des services spécialisés de marketing urbain, parce que, les villes étant en concurrence, il faut les vendre, comme on dit, aux investisseurs, aux universitaires, aux promoteurs… Et pour cela on fait appel à des architectes connus au plan national voire international. Par exemple, n’étant pas des spécialistes, vous ne connaissez peut-être pas l’architecte en chef chargé de réhabiliter le centre de Poitiers ; mais nous on le connaît très bien, c’est une des stars de l’architecture française : Yves Lion. Il réalise aussi bien des opérations architecturales ou des immeubles à Dubaï ou Shanghaï qu’à Poitiers, dont il aménage le « cœur ».

Place d'armes old school

La place d'armes old school, bien avant Yves Lion

Le qualificatif qui revient le plus souvent dans les discours, concernant cette politique d’« élitisation » du centre-ville, c’est «haut».
Primo, on attire des activités de « haute » technologie, innovantes (ça peut être des nanotechnologies, des microtechnologies, informatique, agro-business…).
Deuxio, on vise la population à « haut » revenu – ainsi que celle à haute qualification, majoritairement des bac + 5 ou 6, donc pas de la « main-d’œuvre » mais de la « matière grise », d’après le jargon de la technocratie aménageuse. Pour attirer de la main-d’œuvre hautement qualifiée et à haut revenu, il faut – car ils aiment se distraire et se montrer – des équipements haut de gamme : opéra, palais des congrès, médiathèques… C’est ça la priorité.
Tertio, et conformément à l’idéologie dominante de l’écologisme où il faut tout verdir, le dernier « haut » en matière d’aménagement et d’urbanisme, c’est le HQE, la « haute qualité environnementale ». L’objectif est en effet aujourd’hui de faire du capitalisme durable grâce à toute une série d’aménagements. Les capitalistes américains appellent ça le « greenwashing » – le lavage vert du capitalisme, pour que celui-ci soit mieux accepté, et qu’en limitant la pollution on puisse le faire durer plus longtemps. Mais on sait bien que les accords de Kyoto c’est du bidon : la pollution augmente, et aucun des objectifs de la conférence de Rio n’est rempli. Copenhague, le « Grenelle de l’environnement », tout ça c’est du pipeau…
Toujours est-il que haute technologie, haute qualification, hauts revenus, équipement haut de gamme et HQE sont les cinq piliers de la sagesse de l’urbanisme en France [la rédaction de L’Epine noire vous renvoie à un sixième haut : celui des bus à haut niveau de service, cf. l’article dans ce numéro].

Je parlais tout à l’heure de la novlangue… Il faut voir le discours présenté sur les panneaux, présentant l’avenir sinon radieux, du moins riant de Poitiers. Ce discours, on le retrouve partout : l’harmonie, l’équilibre, la végétalisation de l’espace urbain, tout y est ! On a l’impression d’une disneylisation permanente de l’espace urbain.
A Dijon, où je me suis récemment rendu, le maire socialiste, qui est écolo et conseiller de Ségolène Royal, est pour une « écométropole ». A Brest, municipalité PS, on s’appelle la métropole Brest-BMO « Brest métropole océane ». Tout est verdi, dans le pur style de la « novlangue » : on change le langage pour changer l’état d’esprit des gens et faire dire aux mots le contraire de ce qu’ils signifient. De la même façon qu’il n’y a plus de guerre mais des « opérations de police internationales », plus de bombardements, mais des « frappes », en matière d’urbanisme le langage utilisé vise non seulement à masquer la réalité mais aussi à la faire apparaître sympathique et bénéfique pour la population. C’est un langage stéréotypé, et le vocabulaire de ces gens est très limité.

Vous pouvez retrouver le petit lexique « techno-métro-politain » de Jean-Pierre Garnier ici